Une victime de violence conjugale se confie

Par Guy Latour
Un individu de 27 ans, sans adresse fixe, a été condamné à 30 mois de pénitencier, le 13 juillet dernier, pour avoir harcelé et s'être fait frauduleusement passer pour son ex-conjointe, au Palais de justice de Joliette.
Mathieu Doiron avait plaidé coupable, le 21 avril dernier, à neuf accusations, dont harcèlement criminel, supposition de personne, bris d'engagement et bris de probation, dont la victime était Christiane Bonin. Les événements se sont déroulés entre le 22 février et le 8 novembre 2010, alors que l'accusé était incarcéré à la prison de Saint-Jérôme.
En rendant sa sentence, le juge Carol Richer a notamment tenu compte du fait que l'accusé avait commis ses gestes durant trois périodes différentes de 2010. Il avait notamment fait 62 appels de la prison de Saint-Jérôme, entre février et avril de cette année-là. De plus, M. Doiron en est à sa troisième condamnation dans un contexte de violence conjugale avec Mme Bonin.
«Vous avez un important problème de toxicomanie et de violence. Vous êtes incapable de vous mobiliser et de profiter de l'aide qui vous est offerte. De plus, le rapport présentenciel indique que votre risque de récidive est élevé si vous êtes remis en liberté», a souligné le juge à l'accusé. Puisque Mathieu Doiron est détenu préventivement depuis le 22 avril 2011, il devra purger 27 mois à compter de maintenant, il lui sera également interdit de posséder toute arme à perpétuité et de communiquer avec la victime durant sa peine.
Relation tumultueuse
Depuis leur rencontre en juin 2006, le couple a connu une relation très tumultueuse où la violence physique et verbale faisait partie du quotidien de Mme Bonin.
La victime avait connu M. Doiron alors que ce dernier était en libération conditionnelle pour plusieurs vols qualifiés. Le couple a déménagé à plusieurs reprises et l'accusé était constamment intoxiqué par l'alcool et des stupéfiants.
Mme Bonin dépose une première plainte en 2007 pour voie de fait et menace, et M. Doiron a été condamné à 14 mois de sursis. Durant les Fêtes de 2008, l'accusé est à nouveau violent envers sa conjointe qui est alors enceinte; il avait alors reçu une peine de deux ans dans une prison fédérale.
Le fond du baril
En novembre dernier, Mathieu Doiron s'est frauduleusement fait passer pour la victime dans l'intention de causer un désavantage à Mme Bonin.
«Il a poussé l'audace d'entrer en communication avec moi, de la prison de Saint-Jérôme, et ce, même si j'avais coupé les appels à frais virés, changé de numéro de téléphone, bloqué les numéros, etc.», a indiqué la victime en entrevue au Journal.
Lors de cet appel, l'accusé a dit qu'il avait en sa possession l'enregistrement civil de l'enfant de Mme Bonin, avec une foule d'informations comme la date de naissance de la victime, son numéro d'assurance sociale et d'assurance maladie.
«J'ai paniqué ben raide et j'ai immédiatement contacté les policiers pour porter plainte. Malgré tout, j'ai dû faire plusieurs démarches auprès de Services Canada et plusieurs compagnies afin de demander l'interdiction de divulguer des informations personnelles sécurisées par un nip», s'est-elle souvenu.
«Je n'abandonnerai pas»
Malgré la peine de 30 mois infligée à Mathieu Doiron, son ex-conjointe demeure craintive face à la possibilité de récidive de ce dernier.
«C'est certain que je suis très contente de la sentence, car le juge lui a imposé 6 mois de plus que la dernière fois. J'espère qu'il pourra réfléchir sur ce qu'il a fait, mais je doute qu'il le fasse», a souligné Christiane Bonin au Journal, quelques minutes après le verdict.
Elle ajoute qu'elle est convaincue que M. Doiron va de nouveau entrer en contact avec elle, et ce, malgré l'interdiction du tribunal. «Il n'a fait aucune prise de conscience et il ne veut pas changer malgré le fait qu'il a besoin d'aide. Pour lui, il n'a pas commis de gestes répréhensibles», ajoute-t-elle.
Mme Bonin assure que dès que l'accusé communiquera avec elle, elle va aussitôt porter plainte aux policiers. «S'il faut que je porte plainte dix fois, je le ferai. Je veux tourner la page et ne plus avoir de contact avec Mathieu Doiron. Je veux avoir une existence normale», a-t-elle martelé.
Elle lance aussi le message suivant aux femmes qui sont victimes de violence conjugale : «Il ne faut pas abandonner et il faut faire preuve de beaucoup de persévérance. Il faut briser le silence et ne pas avoir peur d'aller chercher de l'aide auprès d'organismes. Les femmes doivent faire confiance au système judiciaire, car il est là pour nous aider», a-t-elle ajouté.
Parmi ces organismes, chaque année, la maison La Traverse de Joliette effectue plus de 300 intervention à l'externe auprès des femmes vivant ou ayant vécu de la violence conjugale.
«Christiane a fait preuve de beaucoup de courage durant les procédures judiciaires malgré les nombreux délais. J'ai confiance qu'elle et sa famille puissent passer à autre chose. Elle le mérite», a pour sa part mentionné Lise Carpentier, intervenante à la Traverse depuis près de 20 ans.
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