Vidéo : Jean De Grandpré adore les causes judiciaires

Par Guy Latour
Depuis le début de juillet 2010, les couloirs et les salles d'audience du Palais de justice de Joliette ne sont plus les mêmes.
En effet, Jean De Grandpré, celui qui a parcouru quotidiennement durant 28 ans les salles d'audience du palais de justice, n'est plus là pour suivre les causes criminelles.
«C'est maintenant fini. J'ai décidé qu'il était maintenant temps de passer à autre chose. Je n'irai plus quotidiennement au palais de justice, mon état de santé ne me le permet plus», soulignait sereinement M. De Grandpré, à quelques jours de sa sortie de l'hôpital.
Ayant eu un problème de santé important à la fin juin, il a passé deux mois au Centre hospitalier régional de Lanaudière (CHRDL). Il a même dû, à regret, vendre sa voiture pour laquelle il prenait un soin jaloux. Il profitera dorénavant de ses journées pour écouter la télévision, faire de la photographie numérique et dévorer les journaux afin d'être bien informé.
Celui qui a fêté ses 86 ans, le 31 juillet dernier, en a vu des causes criminelles. Au fil des années, c'est plus d'une quarantaine de procès devant jury que M. De Grandpré a assisté.
Né à Rawdon, il a travaillé 37 ans comme menuisier et ébéniste. «Lorsque j'ai pris ma retraite, je suis venu au palais par curiosité voir ce qui se passait dans une salle de cour. Depuis, je n'ai jamais arrêté d'y aller», mentionne Jean De Grandpré en entrevue au Journal.
À ses premières années, les causes criminelles se déroulaient dans le vieux palais de justice. Un nouveau palais a été construit en 1990, puisqu'on manquait d'espace. «Je me souviens les premières années que j'y allais, il y avait une personne responsable qui sortait à l'extérieur de la salle d'audience et appelait un accusé de vive voix. Il n'y avait pas de système d'interphone comme aujourd'hui», se rappelle M. De Grandpré.
Les justes
Parmi les procès criminels qui l'ont marqué, il souligne celui de Patrick Assante et surtout celui de Gervais Fortin. «Le procès de Fortin avait duré 56 jours, échelonnés sur 4 mois. 82 témoins ont été entendus. L'accusé avait agressé sexuellement et tué Nathalie Dallaire dans un boisé de Saint-Liguori, en janvier 1991. C'était vraiment crapuleux», se souvient l'octogénaire.
Jean De Grandpré a participé à plusieurs émissions de télévision. En 2002, il a aussi fait l'objet du documentaire Les Justes, réalisé par l'Office national du film (ONF), et qui parlait des observateurs judiciaires.
Il a aussi vécu les nombreux changements qui ont marqué le système judiciaire québécois ces dernières années. «Les personnes accusées de crimes divers reconnaissent leur culpabilité beaucoup plus qu'auparavant. Les policiers-enquêteurs ont raffiné leurs techniques et les avocats de la défense et de la couronne connaissent beaucoup mieux leurs dossiers», n'hésite pas à dire Jean De Grandpré.
Fin observateur
La réputation de Jean De Grandpré n'était plus à faire au Palais de justice de Joliette. De nombreux criminalistes n'hésitaient pas à lui demander conseil. C'était notamment le cas de Me Michel Leclerc, du Bureau d'aide juridique de Joliette.
«Je connais M. De Grandpré depuis le début de ma pratique en 1984. C'est une personne qui a toujours eu beaucoup de flair et qui connaissait très bien notre système de justice. À de nombreuses reprises, j'ai demandé à M. De Grandpré ce qu'il pensait d'un tel dossier après avoir plaidé devant le juge. Très rarement, il se trompait dans ses jugements», souligne Me Leclerc.
Durant son hospitalisation, Jean De Grandpré a vu Me Michel Leclerc lui rendre visite à quelques reprises, ce qui a beaucoup ému l'observateur judiciaire. Il est fort possible que Jean De Grandpré soit présent lors de l'ouverture du terme des assises criminelles, le 16 septembre prochain. «Je n'oublierai jamais mes amis et les avocats du palais de justice. Ils vont me manquer», de dire avec un trémolo dans la voix, M. De Grandpré.
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