Décision historique pour les Autochtones
Dans un jugement unanime rendu le 14 avril dernier, la Cour suprême du Canada a tranché : les Métis et Indiens non inscrits sont bel et bien des Indiens au sens de la loi, puisque ce sont des peuples autochtones. Pour cette raison, ils peuvent se tourner vers le gouvernement fédéral pour négocier les mêmes avantages que ceux accordés aux Indiens.
Cette décision historique vient remplir un « désert juridique » en ce qui concerne les Métis et les Indiens non inscrits, c'est-à-dire ceux vivant hors réserve. Depuis nombre d'années, les gouvernements fédéral et provinciaux se renvoient la balle et nient leur responsabilité envers ceux-ci, ce qui a eu pour ces Autochtones des « conséquences défavorables importantes et évidentes. Ces derniers sont privés de programmes, de services et d’avantages non tangibles que tous les gouvernements reconnaissent comme étant nécessaires. »
Par sa décision, la Cour suprême a voulu mettre fin au bras de fer que se livrent les gouvernements fédéral et provinciaux sur la question de la compétence législative. « Aucun ordre de gouvernement n’a reconnu sa responsabilité sur le plan constitutionnel. Ce jugement garantit à la fois la certitude et la responsabilité à cet égard, réglant ainsi un conflit de compétence de longue date. »
Rappelons que cette décision vient conclure l'affaire Harry Daniels, entamée en 1999. Ce dirigeant métis aujourd’hui décédé souhaitait que sa communauté obtienne les mêmes droits et avantages que ceux accordés aux « Indiens ». En plus de la reconnaissance que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens au sens de la Loi constitutionnelle de 1867, il demandait que la Cour confirme l'obligation de fiduciaire envers eux de la part du gouvernement fédéral, ainsi que le droit de négocier des accords avec ce dernier.
Même si la Cour a confirmé que les Métis et Indiens non inscrits doivent être reconnus comme des Indiens, elle n'a pas prononcé de jugement déclaratoire concernant la relation de nature fiduciaire entre les peuples autochtones du Canada et la Couronne, ni sur le droit de négocier avec le gouvernement fédéral, « parce que de tels jugements ne feraient que réaffirmer des principes de droit bien établis. »
Des conséquences importantes
Ce jugement aura des retombées importantes pour le gouvernement canadien, qui pourrait devoir élargir la portée des programmes et avantages offerts aux Indiens qui vivent dans des réserves, pour les appliquer aux quelque 600 000 Autochtones vivant hors réserve.
En effet, le jugement confirme que les Métis et les Indiens non inscrits pourront négocier les mêmes avantages que ceux accordés aux « Indiens », comme le stipule la Constitution canadienne, ce qui comprend l’accès aux soins de santé et à l’éducation, tout comme le droit de négocier des traités territoriaux.
« C'est un moment historique, s'est réjoui le grand chef de l'Alliance autochtone du Québec, Robert Bertrand. Mais ça signifie surtout, pour les représentants autochtones de l'ensemble du pays, que le travail juridique se termine, alors que le travail politique commence », a-t-il précisé.
Quant à lui, Richard Lapointe, grand chef de la communauté autochtone Anagocag Mahigan, établie dans Lanaudière, a parlé d'un autre pas vers la réconciliation entre le gouvernement et les peuples autochtones. « Sur le terrain, nous voyons bien les torts subis par les Autochtones. Plusieurs étaient en crise d'identité, ayant le sentiment de n'appartenir à aucun groupe social. C'est le vide que cherche à combler notre communauté, et nous pourrons maintenant le faire avec encore plus de conviction. Désormais, notre mission consiste à défendre avec vigueur les droits de nos membres, en toute légitimité », a-t-il assuré.
La communauté autochtone Anagocag Mahigan s'engage d'ailleurs à informer ses membres des développements qui s'ensuivront, de même que toute personne intéressée par la réalité autochtone. Déjà, des outils sont en production pour mieux expliquer les conséquences de cette décision, et une rencontre d'information ouverte est prévue dans les semaines à venir, de concert avec l'Alliance autochtone du Québec. « Avec cette décision, nous espérons avoir bientôt les moyens de nos ambitions », a conclu le grand chef Richard Lapointe.
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