Des erreurs qui causent la mort
Par Agence QMI
Dans les CHSLD, les chutes et les erreurs de médication sont parfois à l'origine de drames humains, tout comme les problèmes d'organisation du travail.
Francis Goulet en sait quelque chose: il a perdu sa mère parce qu'une consigne à son dossier n'a pas été respectée. Louise Castonguay, qui vivait dans un centre d'hébergement de Rawdon, est morte étouffée parce qu'on lui a servi un grilled-cheese qu'elle n'était pas capable de l'avaler.
L'accident est survenu en octobre dernier, et M. Goulet en parle encore avec un ton bouleversé. «Le deuil est plus difficile à faire, je dirais, à cause des circonstances, parce que ma mère est morte étouffée», explique-t-il.
Sa mère, qui avait 74 ans, souffrait de la maladie d'Alzheimer et vivait au centre d'hébergement depuis trois mois. Dans son dossier médical, dès son admission, une infirmière avait inscrit les notes suivantes: «diète coupée fine, alimentation sous supervision au salon».
Sans surveillance
Malheureusement, le 24 octobre 2013, elle est conduite, avec une dizaine d'autres résidents, dans une salle pour prendre son repas du midi. Cette journée-là, en l'absence d'une des deux préposées, c'est une infirmière d'expérience qui prépare le repas de Mme Castonguay. Elle lui sert un grilled-cheese et quitte pour aller nourrir une autre résidante dans une chambre. Plus personne ne surveille Mme Castonguay, qui s'étouffe et meurt.
«Je peux pas croire qu'on lui a donné un grilled-cheese. Dans ma tête, ça marchait pas», se souvient son fils, qui a rapidement été mis au fait du drame.
«Au début, la directrice du centre me disait: ‘'Bon, vous savez, le personnel est débordé, une employée n'avait pas été remplacée», poursuit l'homme, qui songe à poursuivre le centre d'hébergement. Dans son rapport, la commissaire aux plaintes écrit: «Il ressort que les moyens mis en place n'étaient pas suffisants et n'ont pas été appliqués de façon rigoureuse.»
Le propriétaire s'explique
Un des propriétaires de ce centre privé conventionné, subventionné en grande partie par le gouvernement, raconte que cette histoire a bouleversé les équipes de travail.
Paul Arbec, pdg du Groupe santé Arbec, reconnaît que le drame est survenu à un moment où son personnel était débordé. «Effectivement, il aurait dû y avoir deux préposés. Parfois, c'est parce qu'on a épuisé notre liste, ils ont fait du temps supplémentaire la nuit...», explique-t-il.
Une préposée s'occupe habituellement de huit patients à la fois. «On est financés ici pour répondre à environ 80% des besoins de notre clientèle», précise M. Arbec.
Me Jean-Pierre Ménard, un spécialiste de ce type de dossiers, estime pour sa part que les gens seraient prêts à payer plus pour améliorer la qualité des soins aux personnes âgées. «À peu près unanimement, les gens diraient oui, pourvu que l'argent aille là», croit-il.
Nouvelles mesures
La direction dit qu'elle a mis en place des mesures de vérification pour que ça ne se reproduise plus. L'Ordre des infirmières a ouvert une enquête et selon le fils unique de la victime, il semble qu'une personne a écopé de mesures disciplinaires sévères.
Au Québec, la moitié des accidents et incidents médicaux touchent les personnes âgées.
