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Une Première Nation prévoit de créer un fonds pour financer des projets d'envergure

durée 19h58
24 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Une Première Nation de l'Ontario souhaite créer un «fonds souverain» afin de contourner le gouvernement et d'accélérer la réalisation de grands projets grâce à la participation des Autochtones.

Le Fonds souverain des Premières Nations, proposé par la Première Nation Chippewas de Thames, dans le sud-ouest de l'Ontario, vise à faciliter l'accès des Premières Nations aux grands projets sur leurs territoires, en contournant les programmes gouvernementaux et en leur conférant une plus grande autonomie sur leurs investissements.

Cette initiative s'inscrit dans un mouvement croissant à travers le pays, où les Premières Nations cherchent à renforcer leurs capacités et à assurer la prospérité de leurs communautés.

Le chef Joe Miskokomon a indiqué que ce fonds constituerait une étape cruciale pour consolider le pouvoir économique des Premières Nations.

«Nous ne demandons pas de retirer les banques, a précisé M. Miskokomon en entrevue. Nous disons simplement que les banques n'ont pas besoin d'avoir autant leur mot à dire.»

L’Ontario et le gouvernement fédéral cherchent tous deux à stimuler l’économie canadienne face aux droits de douane imposés par le président américain Donald Trump et ont adopté des lois visant à accélérer la réalisation de grands projets. Ces lois prévoient notamment de contourner certaines protections environnementales et d’accorder plus rapidement le feu vert aux projets jugés pertinents.

Ottawa a soumis 11 projets au nouveau Bureau des grands projets, où ils seront évalués afin de déterminer s’ils répondent aux critères d’un projet d’«intérêt national». Environ la moitié de ces projets sont détenus ou soutenus par des groupes autochtones.

Les Premières Nations se sont opposées à ces deux lois, surtout lors de leur introduction, craignant qu’elles ne bafouent leurs droits et n’entraînent la réalisation de projets sans leur consentement. Elles ont également mis en garde contre d’importantes manifestations et des blocages.

Le débat, tout en demeurant axé sur le respect des droits, porte désormais principalement sur la manière dont les Premières Nations peuvent participer concrètement aux projets économiques menés sur leurs territoires.

Les gouvernements fédéral et provincial ont mis en place des programmes de garantie de prêts destinés à aider les Premières Nations à investir dans des projets, mais ces programmes comportent des limites. M. Miskokomon a souligné que les taux d'intérêt élevés peuvent anéantir les profits que la Première Nation pourrait générer.

En vertu de la Loi sur les Indiens, les Premières Nations font également face à davantage d'obstacles pour obtenir des prêts bancaires, car les terres de réserve ne peuvent être utilisées comme garantie et la plupart des projets économiques nécessitent l'approbation du gouvernement fédéral.

Si le contrôle financier est transféré aux Premières Nations par le biais d'un mécanisme comme le fonds de richesse qu'il propose, elles pourront plus facilement participer en tant qu'investisseurs et décideurs, a expliqué le chef. Cela ouvrira la voie à la génération de revenus propres, réinvestissables dans des projets d'infrastructure communautaires, comme l'approvisionnement en eau ou le logement.

Il considère la participation des Premières Nations aux projets comme un moyen d'accélérer leur réalisation, car elles seront davantage incitées à collaborer avec les promoteurs si elles ont un intérêt significatif dans les opérations commerciales.

«Les programmes actuels de financement et de garantie de prêts aux Premières Nations sont fragmentés, réticents au risque et trop axés sur des projets individuels», indique un document de synthèse sur le fonds rédigé par la Première Nation.

Un modèle de fonds souverain offrira une solution évolutive permettant aux Premières Nations de mobiliser et de gérer des investissements collectifs, ainsi que de réinvestir les rendements dans les priorités communautaires, telles que les infrastructures, le logement et le développement social.

Pour lancer le projet, la Première Nation sollicite l'appui des gouvernements provincial et fédéral, notamment leur approbation du fonds et leur participation à l'élaboration des cadres fiscaux, politiques et juridiques.

M. Miskokomon a précisé que le fonds serait initialement alimenté par des investissements des Premières Nations de l'Ontario, avec la possibilité de s'étendre à l'échelle nationale. Le fonds regrouperait les capitaux de ces Premières Nations, ainsi que ceux d'investisseurs privés et les contributions gouvernementales.

De nombreuses Premières Nations gèrent des fiducies, issues de revendications territoriales ou d'autres règlements, où des fonds sont préservés pour les générations futures. Selon M. Miskokomon, les structures de gouvernance de ces fiducies sont complexes, ont tendance à être réticentes au risque et limitent le potentiel de développement économique des communautés.

M. Miskokomon a mentionné que les structures de gouvernance de ces fiducies sont difficiles à appréhender, ont tendance à être réticentes au risque et limitent le potentiel de développement économique des communautés.

«Nous devons rester à la pointe du progrès, et c'est précisément ce que réclame un fonds souverain: ne pas être prisonniers de processus gouvernementaux où les bureaucrates ont le pouvoir d'évaluer si un projet est ou non dans notre intérêt», a souligné le chef.

«Il s'agit de reprendre le contrôle de notre vie et de nos décisions, et cela devrait être salué par tous les gouvernements et ne devrait pas être entravé», a-t-il ajouté.

Une idée qui prend de l'ampleur

L'idée du fonds souverain proposé par M. Miskokomon n'est pas nouvelle, mais on observe une dynamique croissante en faveur d'initiatives similaires à travers le pays.

Des entreprises comme Cedar Leaf Capital, qui a ouvert ses portes en octobre dernier, et First Nations Financial Markets, lancée en septembre, sont toutes deux des sociétés majoritairement détenues par des Autochtones qui s'intègrent progressivement au système de levée de capitaux.

Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives concernant Cedar Leaf, l'objectif immédiat étant de nouer davantage de partenariats gouvernementaux et privés et de boucler sa première année d'activité.

Un tournant décisif se fait toutefois ressentir, a souligné Clint Davis, un Inuk du Labrador, PDG de Cedar Leaf, à La Presse Canadienne en septembre.

«C'est une véritable renaissance pour la communauté autochtone, et les dix prochaines années s'annoncent passionnantes. Je suis vraiment heureux et honoré d'y contribuer», a-t-il précisé.

— Avec des informations de Ian Bickis à Vancouver

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne