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Une chercheuse reçoit 1,2 M$ pour faire avancer la recherche sur le glioblastome

durée 06h00
20 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Une chercheuse montréalaise a récemment obtenu des Instituts de recherche en santé du Canada une subvention majeure de 1,2 million $ afin de mieux comprendre le glioblastome, une forme particulièrement agressive et létale du cancer du cerveau.

La professeure Maya Saleh, du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’Institut national de la recherche scientifique, et ses collègues s'emploient à cartographier l'environnement immunitaire du cerveau des patients atteints de glioblastome.

Ils cherchent notamment à cibler les cellules myéloïdes qui contribuent à la croissance tumorale et à la résistance aux traitements.

«Malgré la promesse initiale que le système immunitaire pourrait nous défendre et éliminer les cancers si on injecte ces immunothérapies chez les patients, on voit en fait que le taux de réponse pan-cancer est de moins de 20 %», a rappelé la professeure Saleh.

«Donc ce qui nous intéresse, ce sont les mécanismes de résistance. On travaille sur les mécanismes immunologiques, quelles sont les combinaisons de nouvelles immunothérapies qu'on peut ajouter.»

Les traitements du glioblastome n'ont pratiquement pas évolué depuis 40 ans. Le traitement standard repose sur la chirurgie, suivie de la radiothérapie et de la chimiothérapie. La tumeur récidive toutefois dans plus de 90 % des cas.

«Le premier objectif (de la subvention) c'est de comprendre, en fait, l'impact de l'acte chirurgical sur la progression tumorale et la rechute», a dit la professeure Saleh.

Il est possible, a-t-elle ajouté, que l'acte chirurgical ait un effet inflammatoire qui contribue à la rechute tumorale, et la subvention permettra aussi d'étudier ces voix inflammatoires.

L'immunothérapie, qui utilise principalement les lymphocytes T, est peu efficace, puisque ces cellules immunitaires sont très peu présentes dans le cerveau. On y retrouve plutôt des monocytes, qui peuvent favoriser la croissance de la tumeur. Les travaux de la professeure Saleh suggèrent même que la chirurgie pourrait avoir l'effet pervers et contre-productif de stimuler l'activité des monocytes.

Le cerveau est un organe «très spécial», a dit la chercheuse, et l'immunothérapie y fonctionne «à 0 %».

«Quand ils arrivent au cerveau, (certains) monocytes deviennent immunosuppressifs, a expliqué la professeure Saleh. On se demande donc si on peut les utiliser comme véhicule pour apporter des nouvelles thérapies, si on peut modifier leur caractère (et) si on peut interférer avec ces voies d'immunosuppression pour améliorer l'attaque immunitaire du cancer dans le cerveau.»

Le problème, a-t-elle indiqué, est qu'on ne peut pas bloquer entièrement l'accès des monocytes au cerveau, puisqu'il va y avoir «des cellules qui sont nécessaires à l'attaque immunitaire» et que seulement certains monocytes changent de nature et commencent à supprimer le système immunitaire face au cancer.

«L'idée, c'est qu'il faut comprendre quels sont les signaux qui vont différencier les cellules (...) et où est-ce qu'on pourrait intervenir, a expliqué la professeure Saleh. Donc quand on parle de cartographier l'environnement immunitaire, c'est exactement ça le but.»

On retrouve dans chaque patient «la même signature immunologique», a-t-elle dit, ce qui signifie que «dans cet endroit-là du cerveau, on a toujours l'immunosuppression, et dans d'autres endroits, on aura les bonnes cellules. On essaie de cartographier ça».

Tous les essais cliniques qui ont voulu utiliser l'immunothérapie contre le glioblastome ont échoué, a ajouté la chercheuse, possiblement en raison d'un «manque de compréhension de ce qui se passe» dans le cerveau sur le plan immunitaire.

Ce sont ces connaissances manquantes que la professeure Saleh et ses collègues cherchent à générer.

Pour valider ses travaux, l’équipe de la professeure Saleh collabore avec les docteurs Sami Obaid et Romain Cayrol, du département de neurochirurgie et de neuropathologie du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Ils analysent des biopsies rares, prélevées chez des patients opérés une seconde fois dans les 48 heures suivant une première intervention.

La spectrométrie de masse est également utilisée pour analyser les métabolites présents dans les tissus, en collaboration avec le professeur Pierre Chaurand de l’Université de Montréal. Cette approche permet d’examiner l’impact du glucose, des lipides et d’autres composés sur l’environnement tumoral.

Les tissus prélevés sont enfin analysés à l’aide de technologies de pointe comme la biologie spatiale, un équipement que l'INRS est le seul établissement au Canada à posséder. Un biostatisticien de l'INRS, Amadou Barry, développe des algorithmes d’intelligence artificielle pour analyser les données complexes générées par la biologie spatiale.

«Aujourd'hui, avec l'intelligence artificielle, on a besoin de mieux comprendre la nature du cancer pour mieux le traiter», a dit la professeure Saleh.

Par exemple, a-t-elle ajouté, on a constaté que lorsque la masse tumorale grossit, les cellules qui se trouvent au centre commencent à manquer d'oxygène, à consommer du glucose et à produire du lactate.

«Et on a une hypothèse que le lactate modifie l'environnement immunitaire en le rendant plus immunosuppressif», a indiqué la chercheuse. La subvention permettra donc d'étudier si les récepteurs du lactate pourraient être des cibles thérapeutiques intéressantes.

«Il y a encore beaucoup de choses à découvrir, mais il y a aussi beaucoup de progrès, a conclu la professeure Saleh. Je suis optimiste que d'ici quelques années nous aurons même des essais cliniques (positifs).»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne