Un projet de loi pour resserrer la mise en liberté sous caution à venir à Ottawa


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le gouvernement libéral déposera cet automne un projet de loi instaurant des conditions de libération sous caution et des peines plus strictes pour certains crimes, notamment ceux liés au crime organisé, à la traite des personnes, aux braquages à domicile et aux vols de voiture, a annoncé le ministre de la Justice, Sean Fraser.
En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Fraser a indiqué que des réformes semblent s'imposer, compte tenu de la situation actuelle.
Le gouvernement envisagera d'inclure d'autres réformes, mais mettra «au minimum» en œuvre les politiques promises par les libéraux lors des élections fédérales du printemps, a déclaré M. Fraser.
Sean Fraser a été nommé ministre de la Justice par le premier ministre Mark Carney en mai, à la suite d'une campagne électorale au cours de laquelle le chef conservateur Pierre Poilievre a imputé aux libéraux une vague de crimes violents.
Dans leur plateforme électorale, les libéraux ont promis de rendre l'obtention d'une libération sous caution plus difficile pour certaines infractions, notamment les vols de voiture impliquant de la violence ou le crime organisé, les braquages à domicile et certaines infractions liées à la traite et au trafic de personnes.
Ils ont également promis des peines plus sévères pour les voleurs de voitures récidivistes et les individus impliqués dans le crime organisé ou commettant des crimes violents. Les libéraux se sont aussi engagés à permettre des peines consécutives pour certains cas de vol de voiture et pour des infractions graves et violentes.
M. Fraser a indiqué que certaines régions du pays ont constaté une augmentation de certains types d'activités criminelles.
«Les vols de voitures, bien qu'ils soient en baisse dans la région du Grand Toronto cette année par rapport à l'année dernière, nous avons constaté une tendance selon laquelle le problème s'aggrave», a-t-il noté, ajoutant que cette situation était en partie imputable au crime organisé.
Les modifications apportées à la loi renforceront la dissuasion, a assuré M. Fraser.
«Il s'agit d'envoyer un signal pour dissuader les comportements problématiques que l'on souhaite combattre, pour aider les gens à se sentir en sécurité.»
Le ministre Fraser a indiqué que le gouvernement mènerait des consultations sur ses plans et qu'il était ouvert aux suggestions fondées sur l'expertise et les données probantes.
Critiques des conservateurs
Ce projet de réforme de la mise en liberté sous caution intervient deux ans après que les libéraux ont présenté d'autres mesures sur la mise en liberté sous caution en 2023. Elles faisaient suite aux appels de dirigeants provinciaux et de nombreux chefs de police visant à rendre l'accès à la libération conditionnelle plus difficile pour les récidivistes violents.
Le projet de loi, entré en vigueur en janvier 2024, a modifié la mise en liberté sous caution pour certaines infractions liées aux armes à feu et autres armes, ainsi que pour certaines circonstances où le crime présumé implique de la violence conjugale.
Ce projet de loi visant à introduire des mesures plus strictes fait suite à des années d'accusations de la part des conservateurs, selon lesquelles les libéraux adopteraient une approche «laxiste» face à la criminalité.
Interrogé à savoir si cette volonté de réforme donnait raison aux conservateurs, M. Fraser a dit qu'il voyait les choses «différemment».
«Les Canadiens en général nous disent que le système de justice criminelle pose problème, a-t-il affirmé. Le système de mise en liberté sous caution pose problème.»
Même s'il conteste ce qu'il qualifie de slogans «simplistes» des conservateurs, Sean Fraser souligne que les Canadiens de partout au pays ont de «réelles préoccupations» qui ne peuvent être ignorées «simplement parce qu'elles sont soulevées à la Chambre des communes d'une manière que certains pourraient trouver inopportune».
Le rôle des provinces
Il a ajouté que, même si le gouvernement fédéral peut faire davantage dans certains domaines, les gouvernements provinciaux – dont certains ont réclamé une réforme fédérale – ont un rôle important à jouer.
Ce rôle consiste notamment à s'assurer que les juges et les juges de paix qui prennent les décisions en matière de cautionnement reçoivent une formation adéquate et que les centres de détention disposent d'une capacité suffisante, a indiqué M. Fraser.
«Nous voulons aborder cette discussion en sachant que nous avons réglé les problèmes qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, mais nous voulons aussi entamer un dialogue avec les provinces et les territoires pour leur dire que nous ne sommes pas les seuls», a-t-il soutenu.
M. Fraser a ajouté que le gouvernement fédéral souhaite également réunir les provinces et les territoires afin de collaborer à la collecte des données nécessaires pour s'attaquer aux problèmes de criminalité et de justice à l'échelle locale.
«La situation dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse pourrait ne pas refléter celle du centre-ville de Toronto ou du Nord canadien», a-t-il souligné.
Le gouvernement fédéral veut adopter une approche plus large en matière de prévention du crime, qui tienne également compte de la santé mentale, des dépendances, de l'emploi des jeunes et du logement abordable, a déclaré M. Fraser.
«Nous voulons également nous assurer d'aller en amont et d'empêcher que moins de personnes ne sombrent dans la criminalité», a-t-il ajouté.
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne