Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Pénalités des no-shows: des restaurateurs déçus d'être «tous mis dans un même bateau»

durée 15h39
29 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Quelques jours après l'entrée en vigueur de pénalités en cas de «no-shows», des restaurateurs québécois sont déçus de s'être fait imposer un montant maximum et de ne pas avoir eu la liberté de choisir les frais qu'ils jugent les plus appropriés à leur réalité.

«C'est juste dommage qu'on soit tous mis dans un même bateau, que le restaurant qui sert un sandwich au coin de la rue et celui qui sert un menu 12 services soient traités exactement de la même façon avec le même montant par tête», a avancé la restauratrice montréalaise Vanya Filipovic, qui est aussi présidente du conseil d'administration de La Table ronde, un collectif qui regroupe 197 restaurateurs à travers le Québec.

Depuis le 17 juillet dernier, un nouveau règlement permet aux restaurateurs de mettre en place des frais maximums de 10 $ par tête lorsque des clients n'honorent pas leurs réservations, aussi connu sous le nom de «no-shows».

Cette pénalité ne peut toutefois pas s'appliquer si le client a annulé la réservation au moins trois heures avant, si au moins un membre d'un groupe est présent à l'heure prévue et si le restaurateur n'a pas clairement fait part de ces frais ou envoyé un rappel de la réservation de 6 à 48 heures avant.

Aux yeux de certains restaurateurs, ces frais de 10 $ par personne ou le délai de trois heures sont cependant loin d'être suffisants pour avoir un véritable impact.

Laurie-Alex Vézina, directrice générale et copropriétaire du restaurant Laurie Raphaël, à Québec, en sait quelque chose.

Pas plus tard que vendredi dernier, un groupe de huit personnes qui avait été confirmé ne s'est pas présenté à sa réservation, engendrant une perte de revenu de près de 2000 $.

«Pour un établissement gastronomique comme le nôtre, qui travaille avec des produits frais, des menus souvent sur mesure et une capacité limitée, les annulations tardives ou les absences ont un impact significatif», a-t-elle expliqué dans un courriel à La Presse Canadienne.

Pour Mme Filipovic, qui est aussi restauratrice de Mon Lapin et de la rôtisserie La Lune, les frais de 10 $ par tête sont finalement plus symboliques qu'autre chose.

La Table ronde avait envoyé une lettre au ministre délégué à l'Économie, Christopher Skeete, lors de la réflexion sur cette réglementation.

Le collectif avait alors indiqué qu'il serait d'accord pour une première version à 10 $ par tête, mais qu'il suggérait «fortement d'autoriser jusqu'à 20 $ par tête», a mentionné Mme Filipovic.

«C'est dommage qu'on n'ait pas la confiance du gouvernement pour appliquer les règles individuelles qui conviennent à chaque restaurant et son modèle d'affaires respectif», a-t-elle souligné, même si elle dit comprendre qu'il faut une règle pour tous pour les lois de protection du consommateur.

Cet avis est également partagé par Mme Vézina, qui estime qu'il «reste encore du chemin à faire pour que la réglementation tienne compte de la diversité des réalités dans notre secteur».

De son côté, Olivier Visentin, directeur du restaurant Monarque, à Montréal, a fait le choix de ne pas appliquer de frais.

«Ça nous arrive tous les jours, des gens qui ne se présentent pas, mais on est privilégiés et on a de la chance d'avoir tous les jours des gens qui rentrent au restaurant et qui comblent ce manque à gagner», a-t-il indiqué.

Mais ce n'est pas pour autant qu'il juge que l'application des frais n'est pas une bonne idée.

«Dans un restaurant de 20 places, quand il y a huit personnes qui ne viennent pas, c'est la fin du monde, a-t-il dit. Je pense que c'est une discussion à géométrie variable».

En cas de dernier recours

Vanya Filipovic a déjà eu des retours de restaurateurs qui ont appliqué les frais de 10 $ par personne dans ce qu'elle appelle «des cas de "no-shows" pur et dur», c'est-à-dire des clients qui n'ont pas répondu aux appels de suivi de réservation et ne se sont ensuite pas présentés.

Elle a par ailleurs soutenu que les restaurateurs ne souhaitent pas abuser de la loi, mais ne «l'appliquer qu'en dernier, dernier, dernier recours».

«La pénalité vient vraiment quand le client se montre extrêmement irresponsable et irrespectueux, mais ce n'est vraiment pas la majorité», a-t-elle affirmé.

Si un client ne peut pas se présenter, car il est malade, a un imprévu familial ou est victime d'un accident, par exemple, la plupart des restaurateurs vont décider de ne pas appliquer les frais.

«Le restaurant est conçu pour que le client soit heureux et qu'on demeure un endroit qui est flexible par rapport aux horaires et aux imprévus de tous», a indiqué Mme Filipovic.

Pour sa part, Laurie-Alex Vézina espère qu'un «dialogue pourra se poursuivre afin d’atteindre un meilleur équilibre entre la protection du consommateur et la viabilité des restaurants qui offrent une expérience haut de gamme».

Audrey Sanikopoulos, La Presse Canadienne