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Ottawa ne devrait pas modifier l'élargissement de l'AMM, malgré une demande de l'ONU

durée 14h33
19 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le gouvernement fédéral ne donne aucun signe d'intention de modifier la législation existante sur l'aide médicale à mourir, une mesure réclamée par un comité des Nations unies plus tôt ce printemps.

La ministre de l'Emploi et de la Famille, Patty Hajdu, a pris la parole lors d'une audience du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies la semaine dernière, environ deux mois après que le comité a demandé au Canada d'abroger la loi de 2021 qui élargissait l'admissibilité à l'aide médicale à mourir (AMM) aux personnes dont la mort n'était pas raisonnablement prévisible.

Mme Hajdu a prononcé un discours à l'ONU, mardi dernier, pour souligner les 15 ans de la ratification par le Canada de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

«Il s'agit, pour moi, de nouer des relations dans ce domaine et de m'assurer d'entretenir un lien très fort avec la communauté, ce qui, à mon avis, est essentiel pour être une bonne ministre», a-t-elle déclaré, lors d'une entrevue après son discours.

Son allocution ne citait pas le rapport du comité, publié à la fin du mois de mars, au moment où les élections fédérales commençaient.

Le rapport indique que le comité est «extrêmement préoccupé» par la politique canadienne relative à l'élargissement de l'aide médicale à mourir.

«Le concept de “choix” crée une fausse dichotomie, posant l'hypothèse selon laquelle si des personnes handicapées souffrent, il est légitime pour le Canada de permettre leur mort sans prévoir des garanties garantissant la fourniture d'un soutien», indique le rapport.

Dans une déclaration écrite, une porte-parole de Mme Hajdu a indiqué que le gouvernement remerciait le comité pour son rapport.

«L'AMM est un choix profondément personnel. Nous veillerons à ce que les droits des personnes handicapées soient respectés et protégés», a indiqué Jennifer Kozelj.

Opposition à l'élargissement au Canada

Des groupes de défense des droits des personnes handicapées au Canada ont soutenu que la loi cible les personnes handicapées qui souffrent parce qu'elles ne peuvent pas accéder à un soutien adéquat.

En septembre dernier, Inclusion Canada faisait partie d'un groupe d'organisations qui ont déposé une contestation fondée sur la Charte des droits contre cet élargissement de l'AMM, ou l'AMM de «deuxième voie».

Dans des documents judiciaires, ils ont fait valoir que la loi «permet aux personnes handicapées d'accéder à l'aide médicale à mourir financée par l'État dans des circonstances où elles ne peuvent pas accéder aux soutiens publics dont elles ont besoin pour rendre leurs souffrances tolérables».

La présidente-directrice générale de l'organisation, Krista Carr, a déclaré qu'elle souhaitait qu'Ottawa présente un plan d'action pour la mise en œuvre des recommandations du rapport de l'ONU.

«C'était on ne peut plus clair : les Nations unies ont déclaré qu'ils devaient abroger l'aide médicale à mourir de deuxième voie», a-t-elle déclaré.

Garnett Genuis, porte-parole conservateur en matière d'emploi, a raconté qu'il était revenu de l'événement de l'ONU inquiet de voir la réputation internationale du Canada ternie par ce qu'il a qualifié de «manquement d'Ottawa à ses obligations de protéger les droits des personnes handicapées».

«La communauté internationale de défense des droits des personnes handicapées est très préoccupée par la situation au Canada concernant l'euthanasie et les personnes handicapées», a-t-il affirmé.

M. Genuis a indiqué qu'il soutiendrait des garde-fous supplémentaires concernant l'aide médicale à mourir de deuxième voie. En Nouvelle-Zélande, a-t-il souligné, les professionnels de la santé ne peuvent pas proposer l'aide médicale à mourir comme option, mais peuvent fournir des informations aux patients qui en font la demande.

«Je pense que ce serait une façon significative d'améliorer l'expérience des personnes handicapées qui interagissent avec le système de santé», a-t-il soutenu.

Une loi mise à jour en 2021

Les cabinets de la ministre de la Santé, Marjorie Michel, et du ministre de la Justice, Sean Fraser, n'ont pas précisé si Ottawa envisageait de modifier la loi sur l'aide médicale à mourir à la suite du rapport.

Un porte-parole de Mme Michel a cité des conditions d'admissibilité strictes et de «multiples garanties solides» dans la loi actuelle.

La loi canadienne sur l'aide médicale à mourir a été mise à jour en 2021, après que la Cour d'appel du Québec a jugé que limiter l'accès aux personnes dont la mort était raisonnablement prévisible constituait une discrimination.

Le gouvernement fédéral a choisi de ne pas porter cette décision devant la Cour suprême et a plutôt modifié la loi pour élargir l'admissibilité.

Le dernier rapport annuel sur l'aide médicale à mourir indique que 622 des 15 343 personnes ayant bénéficié de l'aide médicale à mourir en 2023 faisaient partie de ce deuxième volet. Parmi elles, 210 personnes se sont identifiées comme handicapées.

Le rapport fait valoir que moins de 3 % des personnes admissibles à l'aide médicale à mourir en 2023 ont déclaré ne pas avoir reçu les services de soutien dont elles avaient besoin.

Les handicaps les plus fréquemment signalés parmi les bénéficiaires de l'AMM étaient liés à la mobilité et à la douleur.

Pour être admissible à l'AMM, une personne doit souffrir d'un problème de santé grave et irrémédiable.

Pour les personnes dont le décès n'est pas raisonnablement prévisible, un délai d'attente minimum de 90 jours est prévu entre la première évaluation et la procédure.

Le demandeur doit être informé des services de conseil, de soutien en santé mentale, de soutien aux personnes handicapées, de services communautaires ainsi que de soins palliatifs, et se voir proposer des consultations avec des professionnels compétents.

Le demandeur et deux médecins différents doivent également discuter des moyens de soulager les souffrances de la personne et «convenir que la personne a sérieusement envisagé ces moyens», selon le site web de Santé Canada.

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne