Narcolepsie: un traitement «révolutionnaire» pourrait être bientôt disponible


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un traitement tout simplement «révolutionnaire» contre la narcolepsie pourrait bientôt être disponible, tant les résultats des essais cliniques de phase II récemment publiés par le New England Journal of Medicine sont impressionnants, estime un chercheur québécois.
L'étude a comparé l'effet d'une nouvelle molécule, l'oveporexton, à celui d'un placebo auprès de 90 patients. Conclusion? L'oveporexton a amélioré «de manière significative» les mesures d'éveil, de somnolence et de cataplexie sur une période de huit semaines, peut-on lire dans la prestigieuse revue médicale.
«C'est vraiment un traitement qui va révolutionner la prise en charge des patients qui ont une narcolepsie», a prédit le docteur Alex Desautels, un neurologue de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal qui participe aux essais cliniques de phase III de l'oveporexton.
Les patients atteints de narcolepsie présentent une hypersomnolence sévère, à savoir qu'ils peuvent s'endormir plusieurs fois par jour, parfois en plein milieu d'une activité. Ils peuvent aussi présenter une cataplexie, soit une perte de tonus musculaire qui survient en réaction à une émotion positive.
Pour le moment, a dit le docteur Desautels, on ne peut qu'essayer de soulager les symptômes de la maladie, par exemple avec des médicaments de la même classe que ceux utilisés pour traiter le TDAH. L'oveporexton pourrait changer la donne en s'attaquant plutôt à ses causes.
«Avec l'oveporexton, on passe au niveau supérieur, a-t-il dit. On va remplacer ni plus ni moins la fonction de la protéine qui fait défaut dans la maladie pour la remplacer par un médicament qui joue exactement le même rôle.»
La molécule est si efficace, a-t-il ajouté, que les chercheurs savent immédiatement, même s'il s'agit d'une étude randomisée à double insu, quel patient prend de l'oveporexton et quel patient prend plutôt un placebo.
«Il y a deux patientes qui ont pris la médication et qui se sont mises à pleurer quelques heures après, quand elles ont réalisé l'effet que la médication avait sur elles», a confié le docteur Desautels.
Certains effets secondaires allant de légers à modérés ont été associés à l'overporexton, notamment une insomnie et une augmentation de la fréquence/urgence d'uriner, mais ils se sont résorbés pendant l'étude et aucun patient n'a eu à mettre fin à sa participation à l'essai clinique.
Les psychostimulants actuellement utilisés contre la narcolepsie «stimulent» et «réveillent» les patients, a-t-il dit, «mais on n'active pas les mêmes réseaux».
Ces deux patientes ont plutôt rapporté sentir que leur cerveau «fonctionnait normalement», qu'il n'était ni trop endormi, ni trop surstimulé.
«Il y a un aspect thérapeutique, mais il y a aussi un aspect humain qui est très touchant, a souligné le docteur Desautels. (Ces deux patientes) ont pris toute l'équipe ici dans leurs bras et tout le monde pleurait. Ce traitement-là est révolutionnaire à plein de niveaux.»
La narcolepsie est une maladie très invalidante, a-t-il dit, d'autant plus que les deux «pics» de la maladie surviennent vers le milieu ou la fin de l'adolescence, puis au début de l'âge adulte.
Un adolescent qui en est atteint pourra donc entendre à l'école qu'il est déprimé ou paresseux, alors qu'il n'en est rien, avec tout l'impact que ça peut avoir sur son estime de soi. Le jeune adulte pourra voir sa carrière ou même sa famille en souffrir.
«Et je ne vous parle même pas des risques d'accident», a souligné le docteur Desautels.
Une étude de prévalence à laquelle le docteur Desautels a participé il y a quelques années a révélé que moins de 50 % des cas de narcolepsie au Québec sont diagnostiqués. L'étude a aussi montré que tous ces cas sont suivis à sa clinique de l'Hôpital Sacré-Coeur.
Encore quelques années de travaux attendent les scientifiques avant que l'overporexton ne soit possiblement offerte au grand public. Mais pour le moment, le docteur Desautels et d'autres chercheurs débordent d'un enthousiasme hors du commun.
«Il y a des gens qui sont enrôlés dans cette phase-là de l'étude, dans mon laboratoire, qui ont une réponse clinique que je n'ai jamais vue de ma vie à un traitement pharmacologique chez des gens narcoleptiques», a-t-il conclu.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne