Les travailleurs migrants qualifie d'«injuste» la hausse des déductions salariales


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Un travailleur agricole migrant de l'Ontario affirme que la proposition du gouvernement fédéral, qui permettrait aux employeurs de facturer à certains travailleurs 30 % de leur revenu pour le logement, est «injuste».
Le Réseau pour les droits des migrants a partagé avec La Presse canadienne un document de travail d'Emploi et Développement social Canada. Ce document décrit les réglementations possibles pour un nouveau volet de travailleurs temporaires pour les travailleurs de l'agriculture et de la transformation du poisson.
Le volet prévu comprendrait des permis de travail sectoriels. Cela permettrait aux travailleurs temporaires de travailler pour tout employeur qualifié dans un domaine précis, au lieu d'avoir un permis de travail lié à un emploi précis.
Ce nouveau volet ne devrait pas être actif avant 2027 au plus tôt, indique le document de travail.
Le document présente une gamme de déductions possibles pour le logement que les employeurs pourraient facturer dans le cadre du nouveau volet proposé. Au maximum, le gouvernement envisage une déduction de 30 % du revenu avant impôt, soit environ 1000 $ par mois, selon le document de travail.
Un travailleur migrant jamaïcain — La Presse Canadienne a accepté de garder l'anonymat par crainte de représailles de la part de son employeur — a déclaré que si le niveau de déduction le plus élevé était appliqué, son salaire hebdomadaire de 600 $ après impôts serait encore plus faible.
«C'est inadmissible. Je travaille pour 17,23 $ de l'heure, a-t-il déclaré. On dirait qu'ils veulent rendre le programme plus difficile, car si je travaille et qu'ils me prennent autant d'argent, je n'aurai rien à envoyer à ma famille ni à acheter de la nourriture ici au Canada pour survivre.»
Dans un communiqué, Emploi et Développement social Canada (EDSC), l'organisme qui supervise le programme des travailleurs temporaires, a indiqué que le ministère avait tenu de vastes consultations sur le volet proposé pour l'agriculture et la transformation du poisson. Ces consultations comprenaient des discussions avec des partenaires internationaux, des intervenants de l'industrie et des organismes de soutien aux travailleurs migrants comme l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, a précisé le ministère.
La consultation sur papier comprenait des documents de travail portant sur des sujets tels que les soins de santé, le transport fourni par l'employeur, les salaires et les retenues, a indiqué le ministère.
Ce processus de consultation est maintenant terminé et les responsables fédéraux de l'emploi et de l'immigration examinent les commentaires.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement définit le logement abordable comme tout logement coûtant moins de 30 % du revenu avant impôt d'un ménage.
Le document de travail indique que la déduction pour logement la plus faible envisagée par le gouvernement fédéral pour le nouveau volet est de 5 %, ce qui, selon les estimations, coûterait environ 180 $ par mois aux travailleurs.
Le montant de la déduction pour logement applicable à un travailleur migrant dépend du type de programme de travail temporaire auquel il participe.
Les travailleurs du Programme des travailleurs agricoles saisonniers ne peuvent pas être facturés par leur employeur pour le logement. Les travailleurs titulaires d'un permis pour le volet à bas salaire, comme ceux qui travaillent pour les transformateurs de poisson, peuvent se voir facturer jusqu'à 30 % de leur revenu pour le logement fourni par l'employeur. L'Association des fruiticulteurs et maraîchers de l'Ontario affirme que son objectif est de maintenir le Programme des travailleurs agricoles saisonniers tel quel, y compris les dispositions relatives à la mobilité.
Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers autorise les transferts de travailleurs migrants si l'employeur a obtenu le consentement de l'employé et l'approbation écrite des autorités consulaires compétentes et d'Emploi et Développement social Canada.
«Nous prévoyons des consultations et un engagement supplémentaires de la part d'EDSC, car de nombreux détails importants des changements proposés demeurent inconnus pour le moment», a expliqué Bill George, président du comité syndical de l'Association des fruiticulteurs et maraîchers de l'Ontario, dans un communiqué de presse.
Un «vol massif» des travailleurs
Syed Hussan, directeur général de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, a déclaré qu'une déduction de 30 % pour le logement constituerait un «vol massif» des salaires des travailleurs, «sans amélioration de leurs conditions de vie».
«Il est incroyablement hypocrite de présenter cela comme des améliorations et une réponse aux Nations Unies qui qualifient le système d'immigration temporaire du Canada de terreau fertile pour l'exploitation et l'esclavage», a-t-il indiqué lors d'un entretien téléphonique mardi.
L'année dernière, l'ONU a publié un rapport affirmant que le programme canadien des travailleurs temporaires est un «foyer fertile pour les formes contemporaines d'esclavage», car il lie les permis de travail à l'emploi.
Le rapport indique que cela crée un déséquilibre de pouvoir institutionnalisé, car les travailleurs peuvent être expulsés en cas de licenciement et les employeurs ont «peu d'intérêts à garantir des conditions de travail décentes».
Le travailleur migrant a ajouté à La Presse Canadienne qu'on lui avait dit de continuer à travailler et de faire la file, car «dix Jamaïcains de plus attendent son emploi».
«Nous n'avons pas vraiment le choix, car si nous en avions le choix, je serais à la maison avec ma famille. La situation de l'emploi en Jamaïque n'est pas vraiment bonne. C'est difficile en ce moment», a-t-il dit.
M. Hussan a indiqué que les normes de logement citées par Ottawa dans le document de discussion sont inadéquates et non applicables. Le document de discussion mentionne la nécessité d'une ventilation «suffisante» et d'une plomberie «adéquate».
Il a souligné que cela semble s'éloigner de la proposition de réglementation du logement du gouvernement fédéral de 2020, qui stipulait que les logements des travailleurs migrants devaient pouvoir maintenir une température intérieure de 20 à 25 degrés Celsius.
«Après cinq ans d'inaction, ces normes sont abandonnées et remplacées par de prétendues directives, a expliqué M. Hussan jeudi lors d'une conférence de presse. Les travailleurs veulent de la dignité, pas des augmentations de loyer pour la même misère.»
Le travailleur migrant qui s'est entretenu avec La Presse Canadienne a expliqué que lui et ses colocataires doivent souvent rester dehors jusqu'à 22 h ou 23 h pour que leur dortoir puisse se rafraîchir, car il n'est pas climatisé.
«Il n'y a pas de climatisation dans la maison, et c'est normal, c'est légal pour eux. Les patrons n'enfreignent aucune règle, car au début de la saison, ces maisons sont censées être inspectées et approuvées par les autorités compétentes, donc ils n'enfreignent aucune règle», a-t-il dit. L'Alliance des travailleurs migrants pour le changement a expliqué souhaiter que les travailleurs migrants obtiennent le statut de résident permanent afin qu'ils puissent mieux défendre leurs droits.
Gabriel, un ouvrier viticole originaire des Caraïbes travaillant en Colombie-Britannique, a raconté qu'il hésitait à évoquer les problèmes de sécurité liés à la manipulation de produits chimiques comme les pesticides, de peur de perdre l'emploi dont il a besoin pour subvenir aux besoins de sa famille. Il n'a pas révélé son nom de famille.
«Le statut est synonyme de sécurité, a expliqué Gabriel lors de la conférence de presse de jeudi. Pour chaque verre de vin que vous buvez, souvenez-vous des travailleurs qui ont quitté leur famille et qui sont étouffés et enfermés dans un environnement dangereux. Nous nous tuons pour de bas salaires sans être pleinement protégés.»
Le document de travail du gouvernement évoque la création d'un permis sectoriel spécifique pour le volet prévu de l'agriculture et de la transformation du poisson. Cela signifierait qu'une personne titulaire de ce type de permis pourrait travailler pour n'importe quel employeur admissible au lieu d'avoir un permis de travail lié à un emploi spécifique — un facteur important cité par le rapport de l'ONU qui comparait le programme à l'esclavage moderne.
M. Hussan a ajouté que cette proposition ne favoriserait toujours pas la mobilité de la main-d'œuvre, car le bassin d'employeurs répondant aux critères du programme est restreint et les zones rurales où vivent et travaillent de nombreux travailleurs saisonniers ont souvent une mauvaise couverture cellulaire ou Internet.
«Si vous travaillez au Nouveau-Brunswick, comment pouvez-vous savoir qu'il existe un employeur en Ontario, en Colombie-Britannique ou au Québec dont le poste n'est pas pourvu (Étude d'impact sur le marché du travail), n'est-ce pas ?, a demandé M. Hussan. Si vous souhaitiez la mobilité de la main-d'œuvre, vous diriez: "Vous pouvez travailler où vous voulez." Or, c'est ce que vous et moi avons: la possibilité de changer d'emploi.»
David Baxter, La Presse Canadienne