Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Les politiques de Trump pourraient avoir des répercussions sur la Coupe du Monde

durée 10h57
27 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — À moins d’un an de la Coupe du Monde de soccer 2026, les tensions politiques et la politique américaine menacent de poser des problèmes alors que le Canada, les États-Unis et le Mexique se préparent à coorganiser le tournoi.

La Coupe du Monde de la FIFA de l’année prochaine sera la plus grande jamais organisée, avec les trois pays accueillant un nombre record de 48 équipes. Entre le 11 juin et le 19 juillet, elles joueront 104 matchs, la plupart d’entre eux aux États-Unis.

Avec des millions de partisans de soccer censés traverser les frontières pour assister aux matchs, les politiques d’immigration sévères du président américain Donald Trump — qui incluent des interdictions de voyager depuis certains pays, des descentes d’immigration et des déportations massives — génèrent de l’anxiété.

«Tout cela est guidé par les États-Unis et nous sommes la partie coupable ici», a déclaré Victor Matheson, professeur au College of Holy Cross dans le Massachusetts qui se spécialise en économie du sport.

«On pourrait avoir des problèmes d’immigration importants avec les fans et les joueurs qui traversent les frontières», a-t-il expliqué en entrevue.

Depuis le 9 juin 2025, les États-Unis limitent l’entrée sur leur territoire des ressortissants de certains pays. Les citoyens canadiens, y compris ceux qui ont la double citoyenneté et voyageant avec un passeport canadien ne sont pas affectés par cette proclamation, selon le gouvernement canadien.

Bien qu’il y ait des exemptions pour les athlètes, le personnel et les familles, l’imprévisibilité de l’administration Trump signifie que personne ne sait avec certitude quel genre de règles pourraient être en place au moment où le tournoi commencera.

L’économiste Andrew Zimbalist, qui a écrit un livre sur les aspects économiques de l’organisation de la Coupe du Monde, a déclaré que Trump avait la capacité de rendre difficile pour les gens de voyager, mais il n’est pas clair s’il le fera réellement.

«Je pense que probablement Trump lui-même pourrait ne pas avoir les réponses parce que (...) il répond très impulsivement aux changements dans son environnement», a-t-il dit.

Les préoccupations concernant les visas ou l’opposition politique au président Trump pourraient amener certains partisans de soccer à ne pas y assister du tout, tandis que d’autres pourraient choisir plutôt d'assister aux parties disputées au Canada, a suggéré M. Zimbalist. Il a souligné toutefois que les matchs de demi-finales et la finale se dérouleront aux États-Unis.

Un porte-parole de Patrimoine canadien a indiqué que le Canada pourrait accueillir un million de visiteurs internationaux pendant le tournoi.

«Étant donné la nature trinationale de l’événement, on s’attend à ce que les voyageurs internationaux et nationaux fassent des allers-retours entre le Canada et les États-Unis. L’accent continuera d’être mis sur le flux de circulation, la sécurité des voyageurs et la sécurité des frontières», a-t-il affirmé.

À l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), l'on assure que l’agence travaille en étroite collaboration avec les ministères fédéraux, les villes hôtes et la FIFA «dans la planification de la sécurité pour cet événement international ».

Pour le professeur Victor Matheson, les fans — en particulier ceux des pays ciblés par le président Trump — ont de bonnes raisons d’être inquiets.

«Je serais très préoccupé par la planification de vacances qui vous font voyager du Mexique ou du Canada vers les États-Unis et vice versa. Je ne pense pas qu'il est possible de garantir les vacances d'une vie», a-t-il dit.

Il a dit que c’est une chose de se voir refuser l’entrée, une autre de se retrouver en prison et d’être expulsé — potentiellement vers une prison au Salvador.

Pour M. Matheson, il est clair que «personne ne veut aller à la Coupe du monde pour regarder des matchs de football et se retrouver en prison».

Les menaces de l'administration Trump d'imposer des droits de douane sur les produits d'une grande partie du monde, y compris le Canada, pourraient également affecter la Coupe du Monde.

M. Matheson a donné l’exemple d’une personne qui fabrique des maillots pour l’équipe d’un pays et qui voudrait expédier ces maillots de l’autre côté de la frontière avec l’équipe.

«Les tarifs rendent ce type de gestion des stocks assez difficile», a-t-il dit.

Tim Elcombe est professeur à l’Université Wilfrid Laurier, et ses domaines d’expertise incluent le sport, la politique et les affaires internationales. Il a dit « qu’on avait l’impression que le fait de tenir l’événement au Canada, aux États-Unis et au Mexique serait presque un peu comme un apaisement des eaux politiques », alors que la coupe revenait dans les pays occidentaux.

Au lieu de cela, le tournoi de 2026 pourrait être encore plus politiquement chargé que la Coupe du Monde 2022 au Qatar, selon lui.

Le Canada coorganise l’un des plus grands événements sportifs au monde avec un pays dont le président a déclenché une guerre commerciale et menacé d’annexion. Les Canadiens ont réduit leurs voyages aux États-Unis et cessé d’acheter des produits américains — et on ne sait pas très bien ce que cela pourrait signifier pour la Coupe du monde.

Bien que Vancouver et Toronto accueillent quelques matchs, «il s’agit vraiment d’une compétition centrée sur les Américains», estime M. Elcombe.

Au début du mois de juillet, des groupes syndicaux et de défense des droits de la personne, dont Human Rights Watch, ont écrit au président de la FIFA Gianni Infantino pour lui dire que les politiques américaines de l'administration Trump constituent une «menace sérieuse» pour les individus, en particulier les non-citoyens.

La lettre accusait la FIFA d’ignorer «les preuves claires de la détérioration importante du climat des droits aux États-Unis».

«Le Canada devra être prêt à porter un regard très critique sur certains des problèmes qui se posent au Canada du point de vue des droits de la personne, parce que je pense qu’ils seront exposés», a déclaré Tim Elcombe, donnant l'exemple des relations entre le Canada et les peuples autochtones.

MacIntosh Ross, un membre du Centre Scott McCain et Leslie McLean pour le sport, les affaires et la santé à l’Université Saint Mary’s, à Halifax, a déclaré que le Canada devrait faire pression sur le gouvernement américain «pour s’assurer que les choses se passent de manière sécuritaire ou du moins aussi sécuritaire que possible».

«Les organisateurs canadiens et le gouvernement canadien doivent être très clairs sur leurs attentes vis-à-vis de leurs partenaires dans cette Coupe du Monde, les réitérer et les affirmer encore et encore», a-t-il déclaré.

M. Elcombe a noté que le président de la FIFA Gianni Infantino, qui s’est «très bien établi en tant qu’ami et partisan du président Trump», pourrait être un acteur clé pour déterminer comment les mois à venir se dérouleront.

Il est difficile de prédire ce que le président américain pourrait faire, a souligné M. Zimbalist. S’il y a des problèmes politiques aux États-Unis dont il veut distraire les gens, «vous pouvez le voir faire des choses de plus en plus folles à l’international pour que les gens ne pensent pas à ce qui se passe réellement.»

Le président Trump a cependant montré qu’il se soucie de la Coupe du Monde de soccer et de bien paraître en accueillant le tournoi.

«Je pense qu’il se soucie de l’image et qu’il se soucie d’être à l'avant-plan sur la scène mondiale», a affirmé M. Zimbalist. «C’est une dissuasion importante, en fait.»

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne