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Les familles des victimes canadiennes du Hamas veulent rencontrer Mark Carney

durée 13h00
30 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Les familles des Canadiens tués par le Hamas en Israël il y a deux ans critiquent le premier ministre Mark Carney du fait qu'il ne les a pas rencontrées depuis son entrée en fonction.

L'Association des familles des victimes canadiennes du 7 octobre a fait part publiquement de ses préoccupations à l'occasion du deuxième anniversaire des attentats, au début du mois. Dans une lettre ouverte adressée à M. Carney, l'association a déploré qu'il n'ait pas rencontré les familles des victimes, contrairement aux dirigeants des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni.

«Il a ignoré tous nos messages et toutes nos lettres», a rapporté Iris Weinstein Haggai, dont les parents ont été tués par le Hamas lors de l'attaque du 7 octobre 2023. «C'est extrêmement frustrant de constater que mon premier ministre au Canada ne comprend pas le cauchemar que je vis.»

Les familles affirment que l'ancien premier ministre, Justin Trudeau, avait rencontré tous les proches des victimes qui en avaient fait la demande, tandis que M. Carney ne les a toujours pas appelées pour leur présenter ses condoléances. Le groupe a déclaré n'avoir reçu de réponse du bureau de M. Carney qu'après que La Presse canadienne lui eut demandé de réagir aux critiques.

Mardi, le cabinet du premier ministre a transmis une déclaration à La Presse canadienne nommant tous les Canadiens «brutalement assassinés lors des odieux attentats terroristes du Hamas».

«Le premier ministre souhaite rencontrer les familles dès que possible, et son cabinet travaille actuellement à trouver une date qui convient à tous», a écrit la directrice des communications, Jane Deeks.

La mère d'Iris Weinstein Haggai, Judih, était la seule Canadienne prise en otage par le Hamas dans la bande de Gaza pendant l'attaque. Elle avait les nationalités canadienne, israélienne et américaine, étant née dans l'État de New York. Elle a déménagé à Toronto à l'âge de trois ans, puis s'est installée 20 ans plus tard en Israël, où elle a vécu pendant près de cinquante ans.

Fin décembre 2023, les autorités israéliennes ont indiqué la croire décédée. En juin dernier, l'armée israélienne a annoncé avoir retrouvé son corps. Mme Weinstein Haggai a déclaré avoir été contactée par de hauts responsables américains et israéliens à ce moment-là, mais pas par le gouvernement Carney.

«Ma mère était la seule otage canadienne, a-t-elle rappelé. Je sais qu'elle a été assassinée et qu'elle n'était plus en vie, mais elle était toujours une otage. Nos vies étaient toujours en otage, car nous étions dans l'incertitude. Nous n'avions pas la possibilité de faire notre deuil.»

L'association a dénoncé le gouvernement Carney pour avoir passé sous silence la question des otages dans les comptes rendus des appels du premier ministre avec des acteurs clés, comme le Qatar. Elle a également demandé des poursuites contre les responsables iraniens qui ont soutenu le Hamas.

«Au cours des 207 jours écoulés depuis votre entrée en fonction, vous n'avez contacté aucune des familles des victimes canadiennes, ces Canadiens assassinés lors du plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah», peut-on lire dans leur lettre ouverte publiée plus tôt cette année.

L'association réclame des sanctions ciblées contre les dirigeants du Hamas, allant au-delà de la simple désignation d'organisation terroriste.

Mark Carney l'inaccessible

Mme Weinstein Haggai a affirmé que M. Carney était beaucoup plus difficile à joindre que M. Trudeau, qui avait reçu plusieurs familles de victimes à Ottawa en mars 2024.

Depuis cette rencontre, Mme Weinstein Haggai échange régulièrement par WhatsApp avec Mélanie Joly, d'abord lorsqu'elle était ministre des Affaires étrangères, puis plus récemment comme ministre de l'Industrie.

Elle a raconte que Mme Joly s'était toujours montrée disponible et attentionnée. Mme Weinstein Haggai avait rencontré M. Trudeau une seconde fois en novembre 2024. Mme Joly a tenté d'organiser une rencontre semblable avec M. Carney, a noté Mme Weinstein Haggai.

Mme Joly «n'arrêtait pas de me dire qu'il était occupé, qu'ils travaillaient d'arrache-pied pour libérer les otages. Bien sûr, je n'y croyais pas», a-t-elle déclaré.

Jacqui Rivers Vital, dont la fille a été tuée par le Hamas lors des attentats, a affirmé avoir «beaucoup insisté» pour parler au premier ministre. L'association des familles de victimes indique que Rivers Vital a sollicité une rencontre avec M. Carney par l'intermédiaire de Mme Joly, de la ministre des Affaires étrangères Anita Anand et du député libéral Anthony Housefather.

Mme Rivers Vital, qui partage son temps entre Israël et la France, a déclaré lors d'une table ronde virtuelle au début du mois qu'elle souhaitait que le premier ministre réfléchisse sérieusement au sort des Canadiens tués et torturés par le Hamas, et qu'il reconsidère sa décision de reconnaître un futur État palestinien.

Sa fille, Adi Vital-Kaploun, née et élevée en Israël, se rendait occasionnellement au Canada.

«Nous avons un dirigeant éhonté qui a décidé de reconnaître l'État palestinien alors que nous avions encore des otages détenus dans leurs cachots. Et alors que le Hamas est toujours au pouvoir», a déclaré Mmd Rivers Vital lors de l'événement du 12 octobre.

«Je suis revenue à la case départ: il doit savoir ce qui est arrivé à huit de ses citoyens.»

Plusieurs familles ont confié avoir l'impression qu'Ottawa ne reconnaît pas pleinement que leurs proches étaient canadiens — en particulier ceux qui possédaient la citoyenneté, mais vivaient principalement en Israël.

Mme Weinstein Haggai, qui a grandi en Israël et vit à Singapour, a expliqué que sa mère incarnait les valeurs chères aux Canadiens. Elle fabriquait des marionnettes pour aider les élèves à apprendre l'anglais et publiait souvent des haïkus et des méditations sur YouTube. Elle a fait du bénévolat auprès de groupes aidant les Palestiniens vivant dans la bande de Gaza, située à moins de trois kilomètres de chez elle, au sein d'un kibboutz.

«Mes parents ont choisi de vivre près de Gaza. Ils croyaient en la possibilité de la paix», a déclaré Mme Weinstein Haggai. Elle reçoit encore des messages de personnes qui disent avoir été inspirées par Judih.

«Je ne peux pas vraiment dire que cela m'aide à surmonter cette épreuve, car je ne pense pas en être encore là», a-t-elle confié.

Le corps de son ami Tamir Adar était toujours retenu à Gaza lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne; il a été rapatrié en Israël il y a une semaine.

«Je suis encore un peu dans le déni. Maintenant que les otages reviennent, je commence à comprendre l'ampleur de ce que nous avons vécu.»

Dylan Robertson, La Presse Canadienne