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Les barbiers en vogue chez les adolescents québécois

durée 09h45
3 août 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les vidéos de barbiers à l'oeuvre, mettant en valeur le fruit de leur travail, se multiplient sur la plateforme TikTok. Cette tendance sur le réseau social très prisé des jeunes alimente l'engouement autour de barbiers au Québec, qui attirent désormais davantage d'ados bien renseignés en quête de coupes stylisées.

La barbière Ophélia-Anna Nagar voit l'arrivée d'une nouvelle clientèle dans ses deux salons à Québec. Si des hommes de tous les âges et de milieux différents ont franchi les portes de Menz Club depuis son ouverture en 2015, ce n'est que dans les deux dernières années que le nombre d'adolescents a «explosé».

«On a commencé à devenir viral chez les jeunes avec le lancement de notre barbershop mobile et notre création de contenu sur TikTok avec les nouvelles tendances» sur le réseau social, dit en entrevue Ophélia-Anna Nagar.

«Il y a une grosse tendance chez les jeunes d'avoir des coupes de cheveux qui sont très stylisées. (...) Ils s'en vont dans des salons de barbier pour aller voir des barbiers qui ont de l'expérience et qui sont capables de faire les coupes de cheveux qui sont virales sur TikTok», ajoute-t-elle.

Pierre-Luc Bergeron, propriétaire du Salon Looké à Laval, constate que les garçons de 12 à 17 ans sont beaucoup plus présents. Ils visitent leur barbier plus fréquemment.

«Les ados viennent peut-être maintenant aux deux ou trois semaines. Avec les réseaux sociaux, ils veulent tout le temps être sur la coche pour leurs cheveux», remarque-t-il dans son établissement, qui comprend aussi une section salon de coiffure.

Chez la chaîne Les Barbares, dont les quatre succursales sont situées dans le Grand Montréal, il y a une tendance marquée: «la clientèle est plus jeune que jamais», soutient le propriétaire, Mathieu Courtemanche.

À Laval, dans le plus important établissement de l'entreprise, il note une hausse considérable de l'achalandage depuis cinq ans chez les 15 ans et moins.

«Les jeunes sont conscients de ce qu'ils veulent, puis ils recherchent un service qui est très précis. Je ne veux rien enlever aux salons de coiffure traditionnels qui sont tellement, mais tellement importants, mais je pense que plus que jamais, les jeunes sont à la recherche d'un service spécialisé, puis vraiment spécifique pour eux», mentionne celui qui est dans le domaine depuis 23 ans.

Bien au fait des tendances

Sur TikTok, plus de 7 millions de vidéos ont été publiées avec le mot-clic «barber». Instagram compte également d'innombrables contenus de barbiers, dont certains cumulent des millions de visionnements, tout comme sur YouTube.

La barbière Émilie Drapeau associe aussi le nombre croissant de jeunes dans son salon de Longueuil à l'influence de ces plateformes.

«Chaque fois que les jeunes arrivent et qu'ils veulent nous montrer une coupe de cheveux qu'ils aiment et qu'ils ont vue, ils vont aller sur TikTok», mentionne la propriétaire du Vinnie's Chopshop, qui planche sur de la création de contenu pour ce réseau social afin de rejoindre encore plus les jeunes.

Quand ils s'installent sur la chaise, les ados ont déjà une idée très précise du style capillaire qu'ils souhaitent adopter, ont dit la plupart des intervenants interrogés par La Presse Canadienne.

«Avant, c'était les parents qui choisissaient les coupes de cheveux. Maintenant, c'est le jeune qui arrive avec 12 vidéos, puis il te dit: ‘‘moi, je veux ça, ça et ça’’», relate Dany Coutu, copropriétaire de La Gare Barbier, à Mirabel, dans les Laurentides.

Pierre-Luc Bergeron observe également que les jeunes sont très bien renseignés grâce aux réseaux sociaux et savent reconnaître une belle coupe. Le travail du barbier consiste parfois à les prévenir que le résultat ne sera pas nécessairement le même que sur la photo ou la vidéo en raison de la texture de leurs cheveux, par exemple, dit-il.

Des jeunes devancent parfois même leur barbier sur les tendances.

«C'est vraiment hallucinant de voir à quel point ils sont informés. Ils sont tellement rapides et au courant que, souvent, ils vont arriver avec des trucs que, même nous, on n'a pas encore vus ou du moins qu'on n'a pas encore eu le temps d'apprendre», affirme Mathieu Courtemanche.

L'émergence de vidéos de tutoriels de barbiers sur les coupes masculines a contribué au niveau de connaissance des ados, dit William Anthony Delorme, qui a son salon sur Le Plateau-Mont-Royal.

«Les jeunes connaissent beaucoup plus le langage que les adultes. Quand on parle de dégradés, ils connaissent toutes les variables. Ils connaissent les noms des coupes. Leurs parents ne vont souvent rien comprendre», affirme le barbier/coiffeur.

Les coupes qu'ils demandent sont plus complexes et stylisées que celles des hommes en général, note-t-il.

Elles nécessitent «plus de temps, de l'expérience, de la formation et de la technique», évoque Ophélia-Anna Nagar, qui perçoit cette réalité d'un bon oeil.

«Ça valorise notre métier. Il a tellement fallu qu'on prouve la valeur de notre métier parce qu'avant, c'était une coupe de cheveux entre deux teintures, rasées à deux sur les côtés, deux sur le dessus, puis ça prenait 15 minutes», affirme-t-elle.

Beaucoup de barbiers ont également davantage développé leurs compétences avec les ciseaux, les rendant désormais aussi à l'aise de faire des coupes de cheveux longs ou mi-longs, ont dit plusieurs des personnes interrogées.

Une question d'ambiance

L'ambiance qui y règne peut aussi expliquer l'attrait des salons de barbiers chez les ados, estiment certains des professionnels de la coiffure masculine.

«Au barbershop, on a des télés, c'est des sports qui jouent. On a du popcorn. C'est un peu une ambiance comme à la Cage aux sports, décrit Émilie Drapeau. Ça représente plus les jeunes qu'un salon pour femmes.»

Et il n'est pas rare que les jeunes débarquent en groupe d'amis pour se faire coiffer en même temps ou à tour de rôle.

«Ils vont venir deux ou trois pour s'accompagner et se niaiser un peu entre eux à travers le service, mentionne Mathieu Courtemanche. Des fois, ils vont juste accompagner leur ami pour vivre l'expérience, mais sans nécessairement se faire couper les cheveux.»

Des apprentis aussi de plus en plus jeunes

L'engouement des jeunes pour les barbiers ne se fait pas sentir que sur le plan de l'achalandage des salons. Il déborde également dans les programmes de formations pour pratiquer le métier.

C'est ce que constate Mathieu Courtemanche, qui est aussi copropriétaire de cinq écoles de barbier l'Usine Académie à travers le Québec.

Les jeunes de 16-17 ans représenteront environ 30 % de la prochaine cohorte prévue au mois d'août. L'âge minimal pour être admissible au programme de formation est de 16 ans. Mais les écoles de Mathieu Courtemanche reçoivent plusieurs demandes de jeunes allant de 13 à 15 ans.

«Les jeunes veulent venir nous rencontrer pour nous vendre leur candidature. On a reçu la semaine passée dans notre salon pour une journée de stage un jeune de 14 ans. Il a posé des questions, il a apporté ses outils», raconte-t-il.

Des adolescents «commencent à couper dès le secondaire. Ils coupent les cheveux de leurs amis», dit Pierre-Luc Bergeron du Salon Looké, qui estime que cet intérêt vient notamment de l'influence des réseaux sociaux où des barbiers vont mettre de l'avant leur mode de vie.

Le côté artistique, une certaine liberté d'horaire et le contact humain sont des éléments pouvant rendre intéressant le métier, ajoute-t-il.

Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne