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Les auteurs-compositeurs du Québec réclament 2 M$ à la SOCAN en redevances impayées

durée 14h37
20 septembre 2022
La Presse Canadienne, 2022
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Temps de lecture   :  

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Par La Presse Canadienne, 2022

MONTRÉAL — Les auteurs-compositeurs québécois réclament 2 millions $ en redevances impayées par la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) au cours d’une période de 18 mois entre 2019 et 2021.

La SOCAN perçoit et redistribue aux artistes et éditeurs les redevances versées par les radios à titre de droits d’auteur lorsqu’elles font jouer les pièces de ceux-ci.

Les auteurs-compositeurs francophones estiment avoir été lésés en raison d’une erreur dans le modèle de redistribution des redevances qui a favorisé leurs collègues anglophones du reste du pays.

Une erreur de 45 %

«Pendant une période d'au moins 18 mois, il y a eu un déséquilibre entre les sommes qui étaient payées par les radios du Québec et les redevances qui étaient distribuées aux auteurs-compositeurs dont les œuvres ont été jouées sur les radios du Québec», a expliqué l’éditeur David Murphy en entrevue avec La Presse Canadienne.

«Ce déséquilibre correspond à un manque à gagner de 45 %, un pourcentage déterminé à partir des chiffres de la SOCAN», a-t-il précisé.

David Murphy, dont l’entreprise éponyme se spécialise dans la gestion de droits musicaux, présentera une demande d’autorisation d’action collective au nom des auteurs-compositeurs du Québec «à la fin de septembre ou au début d’octobre».

Vigneault, Coeur de Pirate, Elisapie et autres

Un peu plus d’une douzaine d’auteurs-compositeurs québécois, dont Gilles Vigneault, Cœur de Pirate, Vincent Vallières, Elisapie, Ariane Moffat ou Klô Pelgag, pour ne nommer que ceux-là, signent d’ailleurs une lettre dénonçant la méthode de calcul de la SOCAN qui les a privés de leur dû.

«Il est clair que le Québec a été sous-représenté pendant plusieurs années dans les méthodes de répartition de la SOCAN», écrivent-ils.

«Nous sommes ces vétérans de la chanson ou ces fiers représentants de la relève. Nous sommes les artisans de cette effervescence musicale qui s'entend sur les ondes des radios du Québec.

«Notre culture ne peut vivre que si tous les créateurs perçoivent sans compromis de leur société de gestion, l'intégralité des redevances qui leur revient de plein droit», font-ils valoir.

Des redevances versées aux mauvais destinataires

Selon les calculs réalisés par David Murphy et endossés par deux économistes indépendants, l’erreur dans la méthodologie de la SOCAN a fait en sorte que «pour chaque dollar payé par les radiodiffuseurs du Québec, il y avait 55 sous qui s'en allaient aux créateurs dont les œuvres avaient été diffusées sur ces radios. L'autre 45 sous, lui, a été partagé par l'ensemble des auteurs-compositeurs et éditeurs dont les œuvres ont joué à l'extérieur du Québec.»

Il explique que, dans le bassin de calcul de la SOCAN «il y avait peut-être 9 % ou 10 % des 200 radios qui venaient du Québec, alors que le Québec représente 20, 22 ou 23 % des droits de licence canadiens. Donc le fait que les radios québécoises étaient sous-représentées dans le bassin a eu comme conséquence que les ayants droit ont été lésés.»

La demande d’action collective ne vise toutefois pas à récupérer l’argent remis en trop aux autres auteurs-compositeurs et éditeurs, précise-t-il.

«Ce n'est pas la responsabilité de ces ayants droit là, de ces auteurs-compositeurs et éditeurs, de remettre l'argent à la SOCAN. C’est la SOCAN qui doit indemniser les créateurs québécois pour ce manque à gagner. Et la SOCAN a un fonds de réserve dans lequel ils ont déjà pigé quelques dizaines de millions de dollars pour des pertes liées à des coentreprises. Qu'ils regardent dans le même fonds», plaide-t-il.

La SOCAN savait

La SOCAN peut difficilement plaider l’ignorance, ajoute M. Murphy, du simple fait qu’elle a vu l’erreur et révisé sa méthodologie en novembre 2021. «Les gestes, pour moi, parlent d'eux-mêmes. Nous, on veut que, pour la période antérieure, que les créateurs soient compensés.» 

Alors que certains auteurs-compositeurs s’étonnaient d’avoir vu leurs revenus de redevances diminuer entre 2019 et 2021, l’erreur méthodologique est devenue évidente à compter de la correction de novembre 23021, raconte David Murphy.

«On a récupéré le manque à gagner de 45 %. Pour l'ensemble de mes clients, mes chiffres à moi, c'est 43,5 %. Il y a eu une augmentation significative entre le moment où la SOCAN a corrigé la situation en novembre 2021 et le trimestre précédent.»

Il ajoute que la réclamation s’étend sur une période de 18 mois, mais que le problème pourrait remonter plus loin dans le temps. «Les deux économistes qui ont analysé nos chiffres pensent qu’il est fort probable que les pertes se soient étendues sur une plus longue période. On le saura à la Cour quand on questionnera la SOCAN parce que pour le moment on n'a pas ces données-là.» 

La même erreur qu'il y a 10 ans

Il ajoute qu’un problème similaire était survenu il y a dix ans.

«La SOCAN avait reconnu effectivement que le Québec, en 2012, avait été sous-représenté et nous avait dit qu'ils avaient apporté des modifications, des corrections, mais elle n’avait pas versé de compensations.

«On joue exactement dans le même film, sauf qu'aujourd'hui la SOCAN ne reconnaît pas que les créateurs québécois ont été lésés, mais c'est exactement le même film et là, c'est la deuxième fois que ça arrive. À un moment donné, il faut dire non, mettre le pied à terre et dire: on veut que les créateurs et les éditeurs soient compensés.»

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne