Le verdict des cinq hockeyeurs accusés d'agression sexuelle sera connu jeudi


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Par La Presse Canadienne, 2025
Le verdict des cinq hockeyeurs accusés d'avoir agressé une femme dans une chambre d'hôtel à London, en Ontario, il y a sept ans, sera rendu jeudi.
La juge Maria Carroccia, de la Cour supérieure de l'Ontario, rendra alors sa décision dans le procès de Michael McLeod, Carter Hart, Alex Formenton, Dillon Dube et Callan Foote, qui jouaient au sein de l'équipe canadienne de hockey junior aux Championnats du monde au moment où les faits allégués ont été commis.
Les joueurs, maintenant âgés de 25 à 27 ans, ont tous plaidé non coupables d'agression sexuelle. McLeod est également accusé d'avoir été complice à l'infraction, accusation pour laquelle il a aussi plaidé non coupable.
Ces allégations d'inconduites sexuelles ont déclenché des années de débat public et ont mené à la tenue d'un procès complexe qui s'est étendu sur deux mois ce printemps.
Un procès empreint de rebondissements
Le procès a d'abord été avorté dès les premiers jours, lorsque la juge a dissous le jury une première fois. Quelques semaines plus tard, elle a renvoyé une deuxième fois le jury reconstitué. Le procès s'est conclu devant la juge seule.
Ce changement signifie que, lorsque la juge Carroccia rendra sa décision, elle exposera également les motifs de ses conclusions – contrairement à un jury, qui se contente de rendre un verdict, sans explications.
C'est à l'avantage du public de connaître ces informations supplémentaires, a souligné Lise Gotell, professeure à l'Université de l'Alberta qui enseigne le consentement et les agressions sexuelles.
Quelle que soit sa conclusion, l'affaire a braqué les projecteurs sur les normes juridiques élevées du Canada en matière de consentement, selon certains experts, et son impact risque de se répercuter au-delà du tribunal.
«Quelle que soit l'issue, cela aura eu pour conséquence (...) de faire le procès de la masculinité et de la culture du hockey», a déclaré Mme Gotell lors d'une récente entrevue.
«Car, même si la juge conclut à l'absence d'agression sexuelle, ce qui s'est passé dans cette chambre d'hôtel – même si je suis consciente des versions contradictoires à ce sujet – est profondément troublant.»
Chronologie des événements
Les faits allégués se sont déroulés en juin 2018, alors que les accusés et plusieurs de leurs coéquipiers de l'équipe nationale junior de hockey étaient à London pour un gala et un tournoi de golf afin de célébrer leur victoire au championnat de cette année-là.
Après le gala, la plupart des membres de l'équipe se sont retrouvés dans un bar du centre-ville où la plaignante buvait et dansait avec ses collègues, a appris le tribunal.
La femme, âgée de 20 ans à l'époque et dont l'identité fait l'objet d'une interdiction de publication, a fini par quitter avec McLeod pour se rendre à la chambre d'hôtel du joueur. Ils y ont eu des relations sexuelles dans sa chambre d'hôtel, qui ne sont pas en cause dans ce procès.
Les gestes reprochés ont commencé après l'entrée de plusieurs autres membres de l'équipe dans la chambre de McLeod.
La Couronne allègue que McLeod était le «meneur», invitant ses amis à avoir des relations sexuelles avec la femme sans qu'elle ait été mise en courant de leur venue et sans son consentement. Selon les procureurs, l'homme s'attendait à ce qu'elle prenne part à ces relations, une fois mise devant le fait accompli.
La femme était encore nue et ivre lorsque des inconnus ont commencé à entrer dans la pièce, a-t-elle déclaré au tribunal. Surprise et effrayée, elle a senti qu'elle n'avait d'autre choix que de se plier à leurs désirs, a-t-elle raconté.
Elle a tenté de partir à plusieurs reprises, et bien que personne ne l'ait physiquement arrêtée, quelqu'un l'a persuadée de rester à chaque fois, a-t-elle déclaré.
Environ une semaine après la rencontre, les joueurs présents dans la chambre ont créé une conversation de groupe pour discuter de la manière d'agir face aux enquêteurs de Hockey Canada.
La crédibilité de la victime attaquée
La femme n'a pas consenti volontairement aux actes sexuels, et les joueurs accusés dans cette affaire n'ont pas pris de mesures raisonnables pour vérifier si elle l'avait fait, selon la Couronne.
«Elle était incroyablement vulnérable dans cette chambre. (…) Elle était nue et ils étaient dix. Ils se connaissaient tous, et pour eux, elle était une inconnue», a plaidé la procureure Meaghan Cunningham. «Il s'agit de circonstances où la loi exige des efforts supplémentaires (pour confirmer le consentement) que dans d'autres situations.»
En vertu du droit canadien, le consentement doit être communiqué pour chaque acte distinct au moment où il a lieu et ne peut être obtenu rétroactivement ni donné largement à l'avance, a-t-elle soutenu.
Les avocats de la défense, quant à eux, ont avancé que la femme avait activement participé à des activités sexuelles avec les hommes, allant même jusqu'à les provoquer parfois pour qu'ils se joignent à elle.
Elle a inventé ces allégations pour éviter d'assumer la responsabilité de ses choix cette nuit-là, notamment sa décision de tromper son petit ami, ont-ils suggéré dans leurs plaidoiries finales, qui visaient principalement à entacher sa crédibilité en tant que témoin.
Me David Humphrey, qui représente McLeod, a affirmé que la véracité du récit de la femme est affaiblie par ses propos à la police en 2018, ainsi que par les témoignages d'autres témoins oculaires et d'autres éléments de preuve fiables.
La victime s'est d'abord présentée comme étant trop ivre pour consentir, puis a expliqué qu'elle s'était livrée à des actes sexuels par peur de représailles lorsqu'elle a intenté une poursuite civile, après que la clôture de la première enquête policière n'a pas mené à des accusations, a-t-il soutenu.
Avancées juridiques
Des spéculations du public à l'enquête parallèle menée par Hockey Canada, en passant par le nombre d'accusés et de témoins oculaires, «rien dans cette affaire n'est courant ou typique», a expliqué Daphne Gilbert, professeure à l'Université d'Ottawa qui enseigne le droit en matière d'agressions sexuelles.
Tout dépend de la compréhension du consentement par la juge Carroccia. Il sera intéressant de voir comment elle établira ce qui constitue des mesures raisonnables pour déterminer le consentement, a ajouté la professeure.
«Nous ne disposons pas d'une jurisprudence solide sur ce qui constitue des mesures raisonnables (…) donc, d'un point de vue juridique, je pense que ce sera une question juridique très intéressante», a-t-elle affirmé en entrevue.
Les conclusions et le raisonnement de la juge concernant l'accusation de complicité à une infraction d'agression sexuelle pourraient également explorer de nouveaux territoires juridiques, a expliqué Mme Gilbert.
Elle met en garde que, sur le plan social, l'affaire risque d'avoir un «impact dissuasif» sur le signalement des allégations d'agression sexuelle, notamment au vu des longues journées de témoignage que la plaignante a dû traverser.
Mme Gilbert, dont le cours sur le droit des agressions sexuelles aborde les pratiques éthiques de la défense, espère que la décision abordera «certaines tactiques des avocats de la défense».
«Il existe des moyens de procéder sans brutalité ni brutalisation envers la plaignante, et j'ai trouvé que certains avocats étaient allés trop loin», a-t-elle affirmé.
Les avocats de la défense n'ont pas répondu à une demande de commentaires avant la publication.
Un procès «chaotique»
La police a clos son enquête initiale sans porter d'accusation en 2019.
L'incident a été porté à l'attention du public en 2022, lorsque TSN a rapporté que Hockey Canada avait discrètement réglé une poursuite mettant en cause l'organisation sportive et huit joueurs non identifiés pour un montant non divulgué.
Hockey Canada s'est rapidement retrouvée au cœur d'un scandale grandissant qui a attiré l'attention politique et a porté un coup dur à ses finances. Plusieurs commanditaires ont suspendu ou retiré leur financement.
L'identité des joueurs a été rendue publique lors de leur accusation officielle au début de 2024.
À l'époque, quatre d'entre eux évoluaient dans la LNH: Dube pour les Flames de Calgary, Hart pour les Flyers de Philadelphie, McLeod et Foote pour les Devils du New Jersey. Formenton avait auparavant joué pour les Sénateurs d'Ottawa avant de se joindre à une équipe en Suisse.
Le procès a débuté en avril de cette année au cours duquel neuf témoins sont passés à la barre. Des enregistrements vidéo ou audio des entrevues menées par McLeod, Formenton et Dube auprès de la police en 2018 ont également été diffusés au tribunal, ainsi que deux courtes vidéos de la plaignante prises par McLeod à environ une heure d'intervalle le soir de l'incident.
Dans l'une des vidéos, la femme affirme que tout était «consensuel», même si elle a déclaré au tribunal que ce n'était pas ce qu'elle ressentait réellement.
La plaignante a témoigné par vidéoconférence pendant neuf jours, dont sept jours de contre-interrogatoire par la défense.
Le procès a été «extrêmement chaotique», tant sur le plan de la procédure que de la preuve, a déclaré la professeure Gotell.
«Le jury a dû être renvoyé une fois, puis deux fois, avant de passer à un procès devant juge seul à la suite d'une demande de la défense, a-t-elle ajouté. Tout ce désordre pourrait potentiellement ouvrir la voie à un appel.»
Le procès a dû reprendre quelques jours après son ouverture à la suite d'une brève interaction entre un juré et un avocat de la défense pendant la pause déjeuner. Un nouveau jury a été constitué, puis révoqué quelques semaines plus tard, parce que certains membres du jury estimaient que les avocats de Formenton se moquaient d'eux.
Mme Gotell a également souligné que le nombre de témoins oculaires distingue cette affaire d'autres cas d'agression sexuelle.
En général, les infractions présumées se produisent en privé, en présence de seulement deux personnes, bien qu'il puisse également y avoir des preuves médico-légales, comme des trousses de viol, a-t-elle précisé. Dans ce cas, cependant, il y avait beaucoup de personnes dans la pièce au cours de la nuit, a-t-elle ajouté.
«Cela fait énormément de gens qui pourraient potentiellement, et encore une fois, sur sept ans, dire des choses très différentes, n'est-ce pas? Je pense que c'est ce qui rend la situation confuse.»
Paola Loriggio, La Presse Canadienne