Le Québec est la province canadienne qui s'oppose le plus à sa souveraineté


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Aussi étonnant que cela puisse sembler, les Québécois sont aujourd’hui les moins souverainistes de tous les Canadiens.
Un sondage Léger portant sur la souveraineté des provinces, réalisé pour La Presse Canadienne en marge des apparentes velléités souverainistes de l’Alberta, nous apprend en effet que c’est au Québec que la proportion de citoyens se disant «contre» la souveraineté de leur province est la plus élevée, à 59 %.
Par contre, la proportion de Québécois qui sont «pour» la souveraineté de leur province n’est pas la plus faible au Canada et de loin, puisqu’elle se situe à 33 %, comparativement à 22 % en Colombie-Britannique et 23 % dans les provinces atlantiques, qui sont dans les deux cas les moins en faveur de la souveraineté de leurs provinces respectives.
Cet écart s’explique par le fait que les Québécois sont les moins nombreux (8 %) à dire «ne sais pas» ou à refuser de répondre, comparativement à la moyenne canadienne de 17 %.
Souveraineté: appui et opposition stables
Ces résultats pour le Québec n’étonnent cependant pas du tout le sondeur Sébastien Dallaire, vice-président exécutif chez Léger. «Le niveau d'appui à 33 % en faveur de la souveraineté ressemble quand même à ce qu'on mesure depuis plusieurs mois au Québec. Et si ça peut paraître surprenant de voir le 59 % d’opposition à la souveraineté de la province, qui est plus élevé qu’ailleurs au pays, c’est parce que les Québécois sont habitués de se poser la question et de se la faire poser, ce qui fait qu'il y en a beaucoup moins qui ne savent pas», fait-il valoir.
Une autre donnée du sondage va dans le même sens, soit que près du quart (23 %) des électeurs bloquistes s’opposent à la souveraineté du Québec. «Ça ressemble quand même à ce qu'on mesure pour le Parti québécois en ce moment en particulier. En fait, dans notre dernier sondage, le tiers des électeurs du Parti québécois disaient ne pas être favorables à la souveraineté du Québec», poursuit Sébastien Dallaire.
«On sait que, pour le Parti québécois, c'est effectivement une source d'inquiétude. Si le Parti québécois, tel que prévu, se met à parler de référendum dans un premier mandat lors de la prochaine campagne électorale, il y a une partie importante de son électorat qui n'est pas trop chaude à l'idée, donc ça pourrait devenir un problème.»
La souveraineté albertaine
À l’opposé, c’est en Alberta où les répondants sont les plus nombreux à être en faveur de la souveraineté de leur province – à 41 % lorsque la question est tranchée en oui ou non et jusqu’à 47 % lorsque la question ajoute des nuances. Cette réponse des Albertains laisse entrevoir une lutte fratricide très serrée si jamais un référendum se matérialise puisque la proportion d’opposants à la souveraineté de la province se situe à 44 % pour la question posée sous forme de oui ou non et atteint 48 % avec les mêmes nuances, soit un écart d’à peine un point qui est inférieur à la potentielle marge d’erreur.
«Dans les deux cas, question tranchée et question nuancée, on est très proche, n’est-ce pas?, souligne Sébastien Dallaire. En ce moment, il y a effectivement un sentiment assez fort en Alberta que les choses doivent changer et il y a un réservoir d'appui quand même assez important qu’on doit prendre au sérieux. Ce sentiment d'aliénation très clair, ça ne les rend pas nécessairement séparatistes pour autant, mais c'est très divisé. On va voir comment ça va évoluer. Il faudra être prudent dans notre analyse des prochains mois. Beaucoup de choses peuvent se passer d'ici là, mais c'est quand même un sujet à prendre au sérieux.»
Les Albertains ne sont toutefois pas des incompris de la confédération puisqu’une majorité de Canadiens (55 %) disent comprendre pourquoi l’Alberta voudrait se séparer, une proportion qui grimpe à 70 % chez les Albertains eux-mêmes.
D’autres mécontents
Le mécontentement ne s’arrête pas là, fait valoir Sébastien Dallaire, même si les pourcentages de répondants en faveur de l’indépendance de leur province ne sont pas aussi élevés. «Ce qui est intéressant, c'est de voir que, dans d'autres provinces aussi, on a un sentiment d'aliénation qui est quand même un peu palpable. Là on le voit en Ontario, avec 31 % d’appui à la souveraineté et dans le bloc Manitoba-Saskatchewan, avec 35 %.»
Sans surprise, précise-t-il, l’analyse des données par affiliation politique montre par ailleurs que «ce sont beaucoup les électeurs conservateurs qui sont frustrés par les résultats de l'élection. Une autre victoire libérale après des années où cet électorat conservateur a exprimé son mécontentement? La pilule est dure à avaler pour ces partisans».
Confiance limitée
Lorsqu’interrogés sur leur confiance face aux gouvernements, on constate que 51 % expriment leur confiance envers les gouvernements fédéral et municipaux et 47 % envers leur gouvernement provincial. Fait à noter, toutefois, on parle d’une confiance limitée, puisque seulement 6 % ou 7 % des répondants accordent leur confiance absolue à ces gouvernements selon le niveau, la confiance des autres n’étant que partielle.
Étonnamment, c’est au Québec que la confiance est la plus élevée (60 %) envers le gouvernement fédéral, mais en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba où les gouvernements provinciaux bénéficient de la plus grande confiance (56 %) de leurs citoyens. On ne s’étonnera guère de voir que c’est en Alberta où la confiance envers le fédéral est la plus faible, à 37 %.
Le sondage a été réalisé en ligne du 16 au 18 mai auprès de 1537 répondants. Bien qu’il ne présente pas de marge d’erreur parce que réalisé en ligne, Léger précise qu’un sondage probabiliste équivalent afficherait une marge d’erreur de plus ou moins 2,5 %, 19 fois sur 20.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne