Le Commissaire au lobbyisme appelle à plus de transparence


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Par La Presse Canadienne, 2024
QUÉBEC — Les règles actuelles sur le lobbyisme sont périmées et insuffisantes en matière de transparence, selon le Commissaire au lobbyisme, qui appelle à une réforme.
«J'arrive au bout de ce que je suis capable de faire avec le registre (des lobbyistes) en amélioration, en transparence», a soutenu le commissaire Jean-François Routhier, dans une entrevue avec La Presse Canadienne.
Il lance son appel à la réforme parce que le moment est opportun à son avis et que le ministre responsable, Jean-François Roberge, semble ouvert, mais aussi parce qu'il «faut juste un petit coup de pouce pour que les parlementaires s'approprient le dossier», a-t-il ajouté.
La loi d'origine pour encadrer le lobbyisme date de plus de 20 ans et le commissaire avait invité à faire une «réflexion» en 2019, mais il ne s'est rien passé par la suite.
«Renforcer la démocratie, c'est le bon moment d'en parler», a-t-il fait valoir.
A fortiori, Lobbyisme Québec, l'organisme sous l'autorité du commissaire, brandit un sondage Léger où on apprend que 88 % des lobbyistes eux-mêmes estiment que la transparence est «essentielle à une perception positive» de leur activité par la population.
L'organisme plaide pour des règles et des exigences plus réalistes, mieux adaptées.
Sous le radar
Par exemple, actuellement la divulgation est obligatoire si l'activité de lobbyisme est «une partie importante» de l'activité.
Et sinon? Ça passe sous le radar et des lobbyistes d'entreprises ou d'organisations s'en tirent, échappent à la divulgation.
«Alors le PDG d'une multinationale qui ne fait pas des activités de lobbyisme pour une 'partie importante' de ses fonctions peut texter le premier ministre et passer sous le radar. Moi, je pense que le citoyen doit le savoir.»
Pertinence
En outre, les communications visant à influencer les décideurs publics devraient être encadrées en fonction de leur «pertinence pour les citoyens», plutôt qu'en fonction de personnes qui les accomplissent, peut-on lire dans un document obtenu par La Presse Canadienne.
Mais comment déterminer ce qui est pertinent ou non pour le citoyen?
M. Routhier répond que l'État fixe déjà des balises, dans des contextes d'adjudication des contrats par exemple, un seuil en deçà duquel il n'est pas nécessaire de se conformer à un ensemble de règles, appel d'offres, publications, etc.
Actuellement, l'encadrement du lobbyisme s'applique à tous les contrats et permis.
«Est-ce qu'un permis pour changer la couleur de la brique d'une usine ou d'un garage dans une municipalité, même si c'est une entreprise, c'est pertinent pour le citoyen? probablement pas.»
Aussi, autre exemple de resserrement possible, selon lui, une communication avec un décideur est plus pertinente si on s'adresse au premier ministre ou au cabinet d'un ministre que si on s'adresse à un fonctionnaire.
De même, si on veut changer des lois et règlements hors du processus législatif établi, il y a matière à divulguer le lobbyisme davantage qu'en d'autres circonstances et contextes.
Le commissaire estime aussi que, outre qu'on doive rapporter l'intention d'influencer, il faudrait rapporter le résultat: la rencontre ou l'échange a-t-il eu lieu? Mais il n'exigerait pas un compte-rendu sur les échanges, comme au fédéral.
Enfin, il veut élargir la portée de la loi à certains organismes sans but lucratif, comme les instituts, «think tanks», les fiducies, les fondations, «qui ont principalement pour objectif d'influencer».
Mais les organismes communautaires, qui sont en aide ou service direct aux citoyens, demeureraient exemptés.
Changer la culture et le fardeau de responsabilité
Enfin, il souhaite transférer le fardeau de la responsabilité, du lobbyiste à qui on donne un mandat vers l'entreprise qui est bénéficiaire.
Ainsi on passerait de sanctions pénales à des sanctions administratives en cas de non-respect de la loi et l'entreprise serait sous le projecteur.
«Ça veut dire qu'on pourrait pénaliser l'entreprise parce qu'elle est en retard», a-t-il évoqué.
«On pourrait pénaliser l'entreprise en lui imposant de la formation pour ses employés. On pourrait pénaliser la marque, c'est-à-dire qu'il va y avoir une meilleure gouvernance à long terme dans les entreprises, parce que, après quelques sanctions, c'est le nom de l'entreprise qui sort dans le journal.»
M. Routhier souhaiterait ainsi «changer carrément la culture en matière de lobbyisme».
En août 2024, il y avait plus de 5500 lobbyistes inscrits, visant l’une ou l’autre des 2078 institutions parlementaires, gouvernementales, paragouvernementales ou municipales québécoises.
Patrice Bergeron, La Presse Canadienne