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La reine a discrètement fait avancer la cause féministe, selon des spécialistes

durée 08h38
16 septembre 2022
La Presse Canadienne, 2022
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Par La Presse Canadienne, 2022

La reine Elizabeth II n'a pas fait de déclarations audacieuses sur les droits des femmes, mais c'est plutôt dans ses petits actes quotidiens qu'elle a fait avancer la cause féministe, selon des spécialistes.

Sarika Bose, chargée de cours en littérature victorienne à l'Université de la Colombie-Britannique et spécialiste de la famille royale, a rappelé que jusqu'à sa mort la semaine dernière, la reine était l'une des femmes les plus connues au monde. 

Elle a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale et n'était pas seulement cheffe d'État ou commandante des forces armées britanniques, mais aussi mère, grand-mère et arrière-grand-mère.

Même si la reine n'était pas une féministe flamboyante, Mme Bose estime que la souveraine a «normalisé» le fait d'avoir une femme sur la scène mondiale.

À l'âge de 18 ans, la princesse de l'époque avait rejoint l'armée et avait suivi une formation de chauffeuse et de mécanicienne avec le grade de deuxième subalterne, faisant d'elle la première et jusqu'à présent la seule femme de la famille royale à devenir membre à plein temps des forces armées. 

Mme Bose fait remarquer que la reine aurait pu s'inscrire pour être secrétaire ou infirmière pendant la guerre, mais elle avait plutôt choisi d'être mécanicienne.

Être un exemple

La défunte reine a démontré tout au long de son règne que «lorsque vous êtes un leader», il existe des moyens de vous exprimer et de faire entendre votre voix, a-t-elle souligné.

L'une des histoires les plus célèbres où son pouvoir en tant que femme a brillé s'est déroulée en 1998 lorsqu'elle a emmené le prince héritier saoudien Abdallah, qui est devenu plus tard roi, faire un tour dans sa Land Rover, a rappelé Mme Bose. La promenade a eu lieu à une époque où les femmes saoudiennes n'étaient pas autorisées à prendre le volant.

La reine n'a pas laissé son genre définir son rôle, a noté Mme Bose.

«Je ne pense pas qu'elle se serait qualifiée de féministe. C'était très différent des gens qui marchaient dans les rues ou s'impliquaient à une élection ou qui écrivaient des théories sur le féminisme. Sa méthode de féminisme était d'être un exemple», a-t-elle expliqué.

Qui s'occupe des enfants?

Carolyn Harris, professeure d'histoire à l'Université de Toronto, a indiqué que la reine avait été confrontée à des «questions curieuses» lorsqu'elle est entrée en fonction, car il n'y avait pas beaucoup de femmes dans la vie publique à cette époque.

Certaines personnes lui demandaient par exemple qui s'occupait de ses enfants lorsqu'elle faisait des tournées dans d'autres pays. La reine répondait «gracieusement» que ses petits se faisaient «gâter» par leur grand-mère, a affirmé Mme Harris.

La reine a pris d'autres décisions qui ont eu de l'influence sur l'égalité homme-femme, a souligné la spécialiste.

En 2011, la reine a soutenu la modification des lois sur les successions, ce qui signifiait que les hommes n'avaient plus préséance sur les femmes dans l'accession au trône. Mme Harris a également rappelé un commentaire de la reine la même année lors du sommet du Commonwealth en Australie.

«Cela nous rappelle le potentiel de nos sociétés qui reste à être entièrement déverrouillé, et nous encourage à trouver des moyens de permettre aux filles et aux femmes de jouer pleinement leur rôle», a déclaré la souveraine en référence au thème du sommet sur les femmes en tant qu'agents de changement.

Désir de prudence

La professeure Cecilia Morgan, historienne à l'Université de Toronto, a précisé que l'obligation de la reine de rester politiquement neutre l'a amenée à être prudente quant à la façon dont elle s'exprime.

«Je dirais qu'en termes de féminisme, c'est compliqué, car elle a hérité d'un rôle», a analysé Mme Morgan.

«Elle était également très limitée en termes de constitution, mais aussi par son propre désir d'être très prudente et judicieuse quant à ce qui pourrait provoquer des remous politiques. Quand je pense à l'une des choses que fait le féminisme [...] de c'est chercher à perturber le statu quo de diverses manières.»

Mme Morgan a d'ailleurs avancé que la reine n'a pas fait grand-chose pour les femmes autochtones ou racialisées. «Et je ne veux pas être injuste, parce que ce n'était en quelque sorte pas son mandat.»

Hina Alam, La Presse Canadienne