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La FMSQ demande au tribunal de suspendre les effets de la loi 2

durée 04h30
6 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Ce sera au tour des médecins spécialistes, ce jeudi, de demander à la Cour supérieure de suspendre de façon provisoire des éléments de la loi 2 du ministre de la Santé, Christian Dubé, en attendant que leur contestation de la constitutionnalité de cette loi soit entendue sur le fond.

La demande de sursis de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) ne manque pas d’éléments dramatiques au soutien de ses arguments. Après avoir rappelé que la loi 2 a été adoptée sous bâillon peu avant 4 h du matin, le 25 octobre, on peut lire dès le deuxième paragraphe que «la noirceur qui entourait l’hôtel du Parlement à cette heure est alors tombée sur tout le système de santé québécois».

Le document judiciaire poursuit en affirmant que «la loi 2 (…) n’est pas une loi spéciale ordinaire. Il s’agit d’une loi draconienne et sans précédent au Québec à l’ère moderne.»

Pertes de rémunération

Attaquant d’entrée de jeu deux mesures qui «réduiront de façon considérable la rémunération des médecins spécialistes dans à peine deux mois», la demande de sursis fait état de pertes de revenus allant de 21,4 % à 65,6 % pour certains médecins.

La FMSQ entend à terme demander au tribunal de déclarer inconstitutionnelles «plusieurs dispositions» de la loi 2. Elle soutient que cette loi «contraint à l’obéissance et à la collaboration. Elle instaure un régime de délation forcée dans les universités québécoises ayant une faculté de médecine. Elle permet au gouvernement du Québec d’établir, potentiellement sur tout le territoire du Québec et jusqu’au 31 mars 2028, un régime de contrôle, de surveillance, de dénonciation forcée et de sanction des médecins par une police politique de leurs pairs.»

Contraintes inacceptables

La Fédération soutient depuis le début et réaffirme qu’un médecin spécialiste «qui démissionnerait, prendrait sa retraite ou déciderait d’aller exercer sa profession à l’extérieur du Québec s’expose ou peut légitimement craindre de s’exposer (…) à des sanctions ruineuses».

Elle estime que la législation vient «forcer des professionnels à continuer d’occuper un poste dont ils ne veulent réellement plus, sous peine de sanctions ruineuses, ce qui équivaut à de l’asservissement et à du travail forcé», ajoutant qu’à sa connaissance «aucune loi spéciale n’a, depuis l’avènement des Chartes, eu un effet si drastique».

Le document de la Fédération y voit ultimement des atteintes à plusieurs droits et libertés protégés par les Chartes qui ne «pourraient être justifiées dans le cadre d’une société libre et démocratique».

Urgence d'agir

La demande de sursis provisoire vise à suspendre l’application des éléments contestés par la FMSQ en attendant que la Cour se penche sur le fond par le biais d’une demande de sursis interlocutoire. Mais d’ici le dépôt de ces nouvelles procédures, la demande entendue ce jeudi soutient qu’«il y a toutefois urgence d’agir pour surseoir de façon provisoire à l’application des Dispositions visées», jusqu’au jugement sur le fond.

L’obtention d’un sursis provisoire de la part d’un juge repose sur quatre critères. Le premier est de déterminer s’il s’agit de questions sérieuses, critère que les spécialistes estiment rempli par l’«atteinte claire aux droits et libertés des médecins». Le deuxième invite les demandeurs à démontrer qu’ils subiraient un préjudice irréparable, qu’ils croient évident en raison des sanctions, de la perte de revenus et de la «perte de jouissance de leurs libertés».

Pour remplir le troisième critère, les demandeurs doivent démontrer qu’ils subissent davantage d’inconvénients que le défendeur, en l’occurrence le gouvernement du Québec, et enfin, le quatrième critère consiste à démontrer qu’il est urgent que le tribunal accorde le sursis.

Demande inhabituelle de huis clos

La FMSQ demande par ailleurs à la Cour d’ordonner un huis clos sur les déclarations sous serment de cinq médecins, dont l’identité et le contenu des déclarations resteraient secrets. Le juge Pierre Nollet a été saisi de cette demande mardi et devrait se prononcer ce jeudi. Le Procureur général du Québec, de même que l’ensemble des grands médias, s’y sont opposés.

Au final, les spécialistes demandent au tribunal de bloquer la possibilité que des sanctions soient imposées à un médecin qui cesse de pratiquer ou d’enseigner, qui démissionne, prend sa retraite ou déménage sa pratique hors du Québec.

Ils veulent aussi que les critiques de la loi, les manifestations et autres actions concertées ne soient pas considérées comme une infraction punissable.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne