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La Cour suprême confirme que les détenus peuvent contester leur niveau de sécurité

durée 00h15
22 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — La Cour suprême du Canada a statué qu'un détenu fédéral peut contester le refus de le transférer vers un établissement à sécurité moindre en invoquant le recours de l'habeas corpus, qui consiste en une audience devant un juge afin de déterminer si sa détention est légale.

Dans une décision rendue vendredi à 6 voix contre 3, la plus haute cour a déclaré que le maintien d'une forme de détention plus restrictive, au lieu de placer un détenu dans un établissement à sécurité réduite, entraîne une privation de sa liberté restante.

La Cour a déclaré qu'un accès large et efficace à l'habeas corpus est essentiel pour ceux qui souffrent d'une privation illégale et continue de leur liberté et qui cherchent à contester la légalité de leur détention.

Cette décision a été rendue dans le cadre de deux affaires jointes concernant deux hommes qui affirmaient avoir été injustement privés de leur droit à l'habeas corpus lorsqu'ils étaient détenus dans des prisons à sécurité moyenne.

Frank Dorsey avait été désigné comme délinquant dangereux et avait été condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée, tandis que Ghassan Salah, un citoyen jordanien, purgeait des peines concurrentes d'emprisonnement à perpétuité.

En vertu de la loi fédérale, une classification de sécurité minimale est attribuée aux détenus qui sont peu susceptibles de s'évader et qui présentent peu de risques pour la sécurité publique, tout en nécessitant un faible degré de surveillance.

Le classement de sécurité moyenne est pour sa part réservé aux détenus qui présentent un risque faible à modéré de fuite et un risque modéré pour la sécurité publique, tout en nécessitant un degré de surveillance modéré.

Ces définitions déterminent à la fois le placement initial et toute reclassification future, a souligné la Cour suprême.

Dans la plupart des cas, la décision finale concernant le classement de sécurité est prise par le directeur de la prison. Des mesures supplémentaires sont adoptées lorsque le détenu est un délinquant dangereux.

Les détenus peuvent contester les décisions de reclassification, et les décisions relatives aux griefs peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale.

En 2019, Dorsey et Salah ont chacun demandé leur transfert vers un établissement à sécurité minimale.

Dans les deux cas, un décideur administratif a rejeté leur reclassification et ils ont continué à être détenus dans des établissements à sécurité moyenne.

Les deux détenus ont déposé des requêtes en habeas corpus, demandant leur transfert vers des établissements à sécurité minimale, ou alors que leur détention dans des établissements à sécurité moyenne soit justifiée.

La Cour supérieure de l'Ontario a statué qu'ils ne pouvaient pas bénéficier de l'habeas corpus, une décision confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario.

Un droit important

S'exprimant au nom de la majorité de la cour, la juge Mary Moreau a déclaré que l'examen en habeas corpus, dont l'origine remonte à l'Angleterre du XVIIe siècle, est une garantie essentielle contre la détention illégale et un pilier de la protection des droits des détenus.

«Malgré son ancienneté, l'habeas corpus reste l'outil le plus puissant dont disposent les détenus pour s'assurer que la privation de leur liberté résiduelle n'est pas illégale», a-t-elle expliqué.

L'habeas corpus doit être disponible et accessible aux personnes dont la liberté a été le plus restreinte et qui vivent entre les murs d'un pénitencier, a écrit Mme Moreau.

«Ces personnes, qui sont déjà confrontées à une privation importante de leur liberté, devraient avoir accès à la réparation rapide et efficace offerte depuis longtemps par l'habeas corpus lorsque la privation de liberté devient illégale», a-t-elle soutenu.

«À mon avis, la décision de maintenir une forme particulière et plus restrictive de détention au lieu de placer un détenu dans un établissement moins sécurisé entraîne une privation de liberté »

L'effet d'un maintien continu dans un établissement de sécurité renforcée est sensiblement le même que celui d'un transfert involontaire d'un détenu vers un établissement de sécurité renforcée, a-t-elle ajouté.

«Dans les deux cas les détenus sont soumis à des restrictions plus importantes dans leur vie quotidienne et sont privés de leur liberté par rapport à l'établissement dans lequel ils auraient dû être placés.»

La classification de sécurité et le placement ont une incidence sur l'accès des détenus aux programmes correctionnels, aux possibilités de réinsertion, aux visites privées de leur famille, aux possibilités de travail et aux absences temporaires, ainsi que sur le moment éventuel de leur libération, a déclaré Mme Moreau.

Pour les détenus purgeant des peines à perpétuité ou des peines d'une durée indéterminée, comme Dorsey et Salah, le transfert vers un établissement à sécurité minimale est souvent une condition préalable à une libération conditionnelle, a-t-elle ajouté.

Comme l'ont souligné plusieurs intervenants, les détenus noirs et autochtones marginalisés sont plus susceptibles d'être évalués à un niveau de sécurité plus élevé que leurs pairs non marginalisés, a noté Mme Moreau.

Alors, le fait d'entraver l'accès à l'habeas corpus aura un effet disproportionné sur la capacité de ces groupes marginalisés à passer à des niveaux de sécurité inférieurs et, en fin de compte, à se réhabiliter et à se réinsérer, a-t-elle déclaré.

Jim Bronskill, La Presse Canadienne