La chaleur accentue les risques liés au «stress thermique» pour les travailleurs


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Par La Presse Canadienne, 2025
TORONTO — L'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que la chaleur accentuée par les changements climatiques constitue une «crise de santé publique» pour les travailleurs du monde entier, et le Canada ne fait pas exception, selon des experts.
L'OMS et l'Organisation météorologique mondiale (OMM) ont publié vendredi un rapport commun qui confirme que de nombreux travailleurs ressentent déjà les effets de la hausse des températures sur leur santé.
Les personnes qui travaillent à l'extérieur, dans des domaines comme la construction ou l'agriculture, sont particulièrement exposées aux risques de coups de chaleur, de déshydratation, de troubles cardiovasculaires et de dysfonctionnements rénaux, apprend-on dans le rapport.
Les personnes qui travaillent à l’intérieur ne sont pas épargnées, car elles peuvent aussi devoir composer avec des conditions chaudes et humides, notamment dans les usines.
«Les travailleurs qui font fonctionner nos sociétés paient le prix fort», a soutenu le directeur du département Environnement, changements climatiques et santé de l'OMS, Rüdiger Krech, lors d'une conférence de presse tenue à Genève jeudi.
«Ces effets sont particulièrement graves dans les communautés vulnérables qui ont un accès limité à la climatisation, aux soins de santé et à des politiques favorables à un travail productif», a-t-il ajouté.
Glen Kenny, qui est titulaire d'une chaire de recherche sur la gestion des contraintes thermiques à l'Université d'Ottawa, a contribué à la rédaction du rapport. Selon lui, il ne faut pas s'y méprendre: les travailleurs canadiens ne sont pas moins à risque que ceux d'ailleurs dans le monde.
«Au Canada, nous sommes malheureusement confrontés à des conditions météorologiques extrêmes. Nous passons du froid au chaud. Notre corps perd donc essentiellement cette capacité d'adaptation (à la chaleur) pendant la période hivernale», a-t-il expliqué.
Des recommandations
Le rapport de l'OMS et de l'OMM note que le risque d'épuisement dû à la chaleur augmente lorsque la température corporelle centrale dépasse 38 °C.
Les auteurs invitent les gouvernements et les employeurs à élaborer des plans de santé et de chaleur, notamment en prévoyant des pauses pour les travailleurs afin qu'ils puissent s'abriter du soleil, s'éloigner des machines chaudes et s'hydrater régulièrement.
Les employeurs sont aussi invités à planifier les horaires et la charge de travail de manière à ce que les tâches les plus exigeantes physiquement soient effectuées pendant les périodes les plus fraîches de la journée ou en soirée.
Dans la mesure du possible, les travailleurs devraient porter des vêtements qui permettent à la chaleur de s'échapper, tout en respectant les exigences de sécurité en matière d'équipement de protection.
Selon le professeur Kenny, il est essentiel d'adapter les stratégies de lutte contre la chaleur à chaque travailleur, surtout si certains d'entre eux sont plus âgés, souffrent de maladies chroniques ou sont moins en forme physiquement.
L'effet cumulatif du travail quotidien sous la chaleur doit également être pris en compte, a-t-il ajouté.
«Le corps s'affaiblit au fur et à mesure que la semaine de travail avance. Si je prends un travailleur et que j'observe la capacité de son corps à évacuer la chaleur, les résultats ne seront pas les mêmes le lundi et le vendredi», a-t-il souligné.
«Sa capacité à évacuer la chaleur (le vendredi) sera plus faible. C'est quelque chose qui doit être pris en compte.»
Nombreux impacts
Le stress thermique affecte la sécurité des travailleurs de multiples façons.
«Les fonctions cognitives des travailleurs peuvent être altérées, ce qui peut entraîner des difficultés de concentration, une baisse de leurs performances et un taux d'accidents plus élevé», a soulevé la Dre Melissa Lem, qui est médecin de famille à Vancouver et présidente de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement.
«Lorsqu'on respire plus rapidement parce qu'on a trop chaud, on respire également davantage de pollution atmosphérique, ce qui peut aggraver les effets néfastes de la chaleur sur la santé.»
L'OMS et l'OMM recommandent que les travailleurs soient regroupés par deux afin que l'un puisse surveiller les signes de stress thermique chez l'autre.
La fatigue, la faiblesse, les vertiges, les étourdissements, la soif et de légères crampes musculaires font partie des signes d'épuisement dû à la chaleur. Si ces symptômes apparaissent, le travailleur doit être déplacé vers un endroit frais et boire de l'eau ou des boissons électrolytiques.
Si les symptômes ne s'améliorent pas après 15 minutes, l'épuisement peut être grave. Des symptômes comme un temps de réaction lent, des crampes musculaires sévères, une vision trouble, des maux de tête ou des nausées peuvent alors apparaître.
La forme la plus grave de stress thermique est le coup de chaleur, qui constitue une urgence médicale et nécessite un «refroidissement agressif» à l'aide de glace et d'eau froide. Il faut également appeler une ambulance, selon le rapport.
Les symptômes du coup de chaleur peuvent inclure des vomissements, un comportement erratique, de la confusion ou une désorientation, des troubles de l'élocution, de l'hystérie, du délire, des frissons, des convulsions et une perte de conscience.
S'attaquer à la racine
Lorsqu'elle a lu le rapport, la Dre Lem s'est tout de suite remémoré la vague de chaleur de 2021 en Colombie-Britannique. Jamais dans sa carrière elle n'avait vu autant de patients éprouvant des problèmes de santé liés à la chaleur.
La plupart des plus de 600 personnes qui sont décédées cet été-là étaient des personnes âgées qui vivaient seules dans un logement non climatisé. Cependant, selon la Dre Lem, bon nombre des autres personnes qui ont eu des problèmes de santé à l'époque étaient probablement des travailleurs.
À son avis, outre l'adaptation à la chaleur afin de protéger les travailleurs, il est important de s'attaquer aux causes profondes du problème.
«L'un des meilleurs moyens de garantir leur sécurité est de plafonner les émissions de gaz à effet de serre et de réduire notre consommation de combustibles fossiles», a déclaré la Dre Lem.
«Cela aura des effets supplémentaires en réduisant la pollution atmosphérique à laquelle les travailleurs sont exposés.»
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Nicole Ireland, La Presse Canadienne