L'Association québécoise de la production médiatique déplore un déclin


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — L’Association québécoise de la production médiatique (AQPM) se dit très inquiète au sujet de l’audiovisuel après la publication du «Profil de l’industrie audiovisuelle au Québec» par l’Observatoire de la culture et des communications, le mois dernier.
Selon ce document, depuis 2023, la valeur de la production télévisuelle indépendante québécoise a reculé de 12 % et on constate une baisse du nombre de productions audiovisuelles québécoises de 17 %.
La directrice de l’AQPM, Hélène Messier, se désole des résultats de ce rapport, mais n'est pas surprise: «Dans le fond, ça venait confirmer ce qu’on voit sur le terrain, ce que les maisons de production vivent, ce que le milieu de l’audiovisuel vit, qui est une situation difficile.»
Selon elle, la baisse de la production est liée à divers facteurs, principalement économiques.
Le secteur de la télévision est notamment affecté par la perte des financements publicitaires. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) exige des diffuseurs qu’un pourcentage de leurs revenus soit versé pour la production de contenu canadien. Ces revenus dépendent cependant des financements publicitaires désormais détournés par les plateformes en ligne et les médias sociaux. Une situation qui met un frein aux investissements pour la production audiovisuelle du Québec. «Si tes revenus descendent, bah!, tu réinvestis moins», ajoute Mme Mercier.
Le Fonds des médias du Canada (FMC) est aussi une des sources principales de financement pour la télévision. Ce fonds est alimenté par des entreprises de câblodistribution. Cependant, les désabonnements au câble sont nombreux et contribuent à une baisse des apports financiers pour le FMC.
Hélène Mercier se dit également préoccupée par la réaction des gouvernements face à ce déclin. Avec les plateformes étrangères qui contestent chaque décision du CRTC, Mme Mercier craint que le gouvernement ne recule par rapport à son projet de loi C-11 (Loi sur la diffusion continue en ligne) ou encore sur ses projets de taxes numériques. «On imagine que ces plateformes vont se plaindre au gouvernement de Donald Trump, qui va peut-être, à ce moment-là, mettre le sujet sur la table. Ça évidemment, ça nous inquiète aussi», dit-elle.
Une part de notre identité
La directrice se dit très intriguée par le rapport que devrait prochainement publier le Groupe de travail sur l’avenir de l’audiovisuel au Québec, mis sur pied par le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe. Elle décrit le mandat du groupe comme très vaste et insiste sur le fait qu'il ne devrait pas se faire dans le cadre financier actuel, qui n'est pas suffisant pour assurer la croissance de l'industrie et la pérennisation de ce qui existe déjà.
Pour elle, ce déclin de la production audiovisuelle est aussi une question d’identité et de valeur.
«Je pense que c’est un problème aussi pour notre identité, pour ce qu’on veut représenter à l’écran, affirme-t-elle. Avec le déclin de la production, c’est un reflet de nous même que l’on perd.»
Pour la directrice, la production audiovisuelle, comme toute culture de masse, représente une certaine cohésion au sein d’une population, «une espèce de communion, un véhicule pour faire de la propagande, pour propager des valeurs, des émotions».
La cérémonie d’hommage à Serge Fiori, mardi, est pour Mme Mercier un bel exemple de l'importance de la culture et de ces milieux.
«Il faut à tout prix que le gouvernement, autant au niveau fédéral que provincial, se rende compte de la fragilité de l’industrie audiovisuelle actuellement et continue de la soutenir», affirme-t-elle. Il est nécessaire que les gouvernements investissent davantage dans la culture car elle est porteuse de «propriétés intellectuelles» et de «richesses collectives».
L’avenir du métier
Le profil réalisé par l’Observatoire de la culture et des communications révèle également que près de 14 % des travailleurs ont perdu leur emploi au sein du secteur l’an passé.
Ces pertes et le déclin de la production poussent beaucoup de travailleurs à prendre d’autres emplois pour subvenir à leurs besoins ou bien à totalement se réorienter.
Après la pandémie de COVID-19, la reprise du secteur de la production audiovisuelle et les apports financiers avaient fait vivre un réel essor au milieu, mais celui-ci se dissipe à une grande vitesse.
«À ce moment-là, on essayait de voir comment on pouvait développer des programmes de formation et accélérer ces processus pour inclure plus de travailleurs dans le secteur, explique-t-elle. On était même en pénurie d’emplois. Là, j’ai l’impression que (tout cela) s’est passé il y a comme 100 ans.»
Cette rapide évolution de la situation et la baisse des emplois au sein du milieu sont également source d'inquiétude quant aux futures générations de travailleurs. «Ce n’est pas très motivant pour quelqu’un de décider que son avenir passe par cette industrie-là.»
Anja Conton, La Presse Canadienne