Écart salarial entre mères et pères: le Québec fait mieux que les autres provinces


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Les mères québécoises gagnent toujours moins d’argent, en moyenne, que le père de leurs enfants, mais cet écart diminue et il est moins prononcé au Québec que dans les autres provinces. Ce sont deux des nombreuses conclusions d’un rapport appelé «Les conditions de travail des parents – Évolution de 2008 à 2023», publié mercredi par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
En 2023, les mères du Québec, dont le plus jeune enfant avait moins de 6 ans, avaient une rémunération horaire d’environ 34,17 $, ce qui correspond à une augmentation d’environ 59 % par rapport à 2008 (21,50 $).
Cette hausse surpasse la hausse de l’Indice des prix à la consommation (IPC), qui s’est accru de 36 %.
Pour la même période, le salaire horaire des pères était d’environ 4 $ de plus que les mères et atteignait environ 38,13 $, ce qui correspond à une croissance d’environ 53 %.
«En 2023, le ratio de rémunération horaire mères/pères des parents d’enfants en bas âge était plus élevé au Québec (90 %) qu’en Ontario (82 %), en Alberta (83 %) et en Colombie-Britannique (80 %)», selon l’ISQ qui écrit que «la situation des mères québécoises est plus favorable que celle des mères des autres provinces, car celles-ci travaillent plus en moyenne et que le ratio de rémunération horaire est plus avantageux au Québec qu’ailleurs».
Les données de l’Institut de la statistique du Québec n’étonnent pas Anne Plourde, chercheuse postdoctorale à l'Université York et à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS).
«Quand on regarde l’écart de rémunération pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois», en 2023, «les femmes gagnaient 91 % du salaire des hommes alors que, dans le reste du Canada, c'était 87 %».
Donc, l’étude de l’ISQ, qui concerne plus spécifiquement les mères, reflète, selon la chercheuse, un constat plus général que l’on connaissait déjà: «au Québec, les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes sont moins importants qu'ailleurs».
Des «mesures structurantes», propres au Québec
Si l’équité entre les mères et les pères est plus importante au Québec que dans les autres provinces, c’est que des «mesures structurantes qui visaient spécifiquement à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes» ont été mises en place dans les dernières décennies, a expliqué la chercheuse Anne Plourde.
«Je pense notamment à la création des centres de la petite enfance (CPE) dans les années 90. On sait que cela a beaucoup favorisé l'entrée des femmes sur le marché du travail et une plus grande équité. On a aussi été précurseur dans l'adoption d'une loi sur l'équité salariale au Québec et on s’est créé un régime d’assurance parentale particulièrement généreux», a-t-elle énuméré.
Taux de couverture syndicale
Les taux de syndicalisation, plus élevés au Québec qu’ailleurs, seraient également responsables d’une meilleure équité.
«On sait que les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes sont moins grands dans les milieux qui sont syndiqués par rapport aux milieux non syndiqués», a indiqué Anne Plourde.
Les données de l’ISQ soulignent que les mères et pères du Québec ont un taux de couverture syndicale plus élevé que dans les autres provinces.
Celui des mères d’enfants de moins de 6 ans a augmenté, passant de 41 % à 48 %, tout comme celui des pères, de 40 % à 44 %, entre 2018 et 2023.
Pour les parents d’enfants de 6 à 12 ans, le taux de syndicalisation a toutefois diminué chez les pères, de 44 % à 41 %, mais il a pris de l’ampleur chez les mères, en grimpant de 42 % à 49 %.
«Aucun changement n’est observé du côté des femmes et des hommes sans enfant sur le plan syndical», souligne l’étude de l’Institut de la statistique du Québec.
Meilleure adéquation emploi et formation universitaire
Les mères qui ont un diplôme universitaire trouvent davantage de travail qui correspond à leur niveau de scolarité au Québec que dans les autres provinces.
«En 2023, environ 71 % des mères québécoises diplômées universitaires ayant un enfant de moins de 6 ans occupaient un emploi exigeant une telle formation, contre 62 % en Ontario, 56 % en Alberta et 59 % en Colombie-Britannique», peut-on lire dans le document de l’ISQ.
Cette meilleure adéquation entre l’emploi et la formation universitaire chez les mères au Québec est également vraie chez celles qui ont un enfant plus âgé.
L’ISQ écrit qu’entre 2008 et 2023, «la part de femmes ayant un emploi à bas salaire a diminué, notamment chez les mères québécoises dont le plus jeune enfant avait entre 6 et 12 ans (23 % à 12 %) et entre 13 et 24 ans (24 % à 13 %), mais aussi chez les femmes sans enfant».
Cette amélioration des conditions des mères s’explique par «une plus forte scolarisation universitaire» et une «présence accrue dans les emplois exigeant un tel niveau d’étude».
Une majorité de mères «satisfaites» de leur emploi
Environ 67 % des mères d’enfants de moins de 6 ans se déclarent très satisfaites de leur emploi.
Les mères du Québec sont, selon les données de l’ISQ, «généralement plus satisfaites de leur emploi que les mères ontariennes».
Diminution du taux d’emploi atypique
Le taux d’emploi atypique chez les mères, qui correspond à la part de l’emploi à temps partiel et temporaire et du travail autonome, a diminué entre 2008 et 2023, quel que soit l’âge de leur plus jeune enfant.
Pour les femmes dont le plus jeune enfant a moins de 6 ans, il est passé de 34 % à 27 %.
L’étude souligne toutefois que les mères de jeunes enfants restent «plus susceptibles que les autres d’occuper un emploi atypique, car elles sont plus nombreuses en proportion à occuper un emploi à temps partiel».
Les mères du Québec et de l’Ontario ont un taux d’emploi atypique semblable, environ 26 % en 2023, et plus bas que celui de l’Alberta, environ 34 %, et de la Colombie-Britannique, environ 37 %.
«La baisse du taux d’emploi atypique est plus marquée au Québec qu’ailleurs, ce qui pourrait laisser croire que la conciliation travail-famille est plus facile au Québec que dans les autres provinces», souligne le document.
Des mères plus stressées que les pères
Les données de l’lSQ montent que les mères se disent plus stressées, en raison du travail, que les pères.
«Environ 52 % des mères d’enfants de moins de 6 ans ressentent un stress en raison de leur charge émotionnelle au travail, contre 38 % des pères.»
Le tiers des mères de jeunes enfants soutiennent que «leur charge de travail leur cause un stress important», et le quart des mères de jeunes enfants «ressentent du stress dû à l’insécurité d’emploi», contre 31 % des pères.
Le rapport souligne que les mères de jeunes enfants sont plus impliquées que les pères pour aider les enfants dans leurs devoirs. Elles sont également plus impliquées dans «les activités préparatoires au coucher et l’accompagnement aux activités» et supervisent également davantage leurs enfants.
Un écart qui persiste
Même si les données de l’ISQ montrent que l’écart entre le salaire des pères et celui des mères et entre leurs conditions de travail se réduit, la chercheuse Anne Plourde tient à apporter certains bémols.
«En termes de rémunération horaire, il y a une amélioration, mais c’est une réduction qui est très lente» et «il faut insister sur le fait que ces données-là concernent la rémunération horaire, donc pour chaque heure travaillée», a-t-elle réagi en précisant qu’il y a une plus grande proportion de femmes qui travaillent à temps partiel et que «les femmes restent les principales responsables du travail domestique, des soins aux enfants».
Les écarts de rémunération entre «les hommes et les femmes sont encore plus importants» que ce que les chiffres du rapport montrent «parce que, justement, les femmes travaillent un moins grand nombre d'heures que les hommes».
Mais la bonne nouvelle, selon la chercheuse, «c'est que le cas du Québec montre que, quand on prend des mesures pour réduire ces écarts-là, on parvient à obtenir des résultats».
Stéphane Blais, La Presse Canadienne