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Du seconde main comme neuf: le nouveau pari d'entrepreneurs sur le marché de l'usagé

durée 10h00
13 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Lancer un magasin qui propose seulement des montures de lunettes usagées ou un atelier-boutique qui offre des chaussures remises à neuf: c'est le pari qu'ont fait des entrepreneurs montréalais, qui veulent offrir une expérience de la seconde main presque similaire à celle de l'achat neuf.

À première vue, la boutique de Léa Laîné, sur la rue Saint-Hubert, ne se différencie pas vraiment de celle d'un autre opticien, avec ses montures exposées sur des étagères, dont certaines pour des enfants.

Pourtant, l'opticienne propose quelque chose d'assez unique: magasiner des montures qui sont toutes de seconde main.

«Assez souvent les gens, quand ils rentrent dans le magasin, ils n'ont pas l'impression qu'elles sont usagées», raconte-t-elle.

Léa Laîné s'est donné comme mission de récupérer les lunettes qui prennent parfois la poussière dans les tiroirs ou d'essayer de remettre des montures en état pour ceux qui veulent les garder.

Une fois les montures entre ses mains, elle prend le temps d'enlever les verres, de les réajuster et de les nettoyer, parfois en effectuant quelques réparations.

Depuis qu'elle a ouvert sa boutique en décembre dernier, l'opticienne a déjà restauré plus de 600 montures et en a encore près de 2000 à remettre en état.

Pour Fabien Durif, directeur de l'Observatoire de la consommation responsable à l'ESG UQAM, cette initiative répond à un besoin alors qu'il y a «de la place à prendre sur la seconde main et depuis très longtemps».

«Le marché québécois est assez en retard parce qu'il y a très peu de détaillants», explique-t-il, prenant l'exemple de la France où il est de plus en plus commun de voir de tels projets se développer.

Rassurer les consommateurs

Jules Trolet est un habitué de la seconde main et a souvent réalisé de belles trouvailles dans des friperies depuis son arrivée dans la métropole en 2021.

Mais quand venait le temps de dénicher des souliers, il ne trouvait jamais chaussure à son pied.

«J'avais un gros blocage sur qui a porté les souliers avant, est-ce que c'est propre? J'ai très vite compris que les produits qui étaient vendus n'étaient pas nettoyés ou désinfectés», indique-t-il.

Fin novembre 2024, il décide donc de tester l'intérêt des consommateurs pour des chaussures de seconde main qui sont réparées et désinfectées en lançant une boutique en ligne à son nom.

Il a récupéré près de 200 paires de chaussures en les rachetant dans des friperies qui ne parvenaient pas à les vendre. Il a ensuite pris le temps de les nettoyer et de les remettre à neuf avant de les proposer à la vente.

En trois mois et demi, il est parvenu avec son équipe à vendre près de 60 % de son stock.

Son prochain objectif est d'ouvrir un atelier-boutique fin septembre dans le quartier Chabanel, où les clients pourront réserver un créneau horaire pour essayer une paire directement en magasin.

Il espère ensuite créer plusieurs petites boutiques où les gens pourront aussi venir déposer des chaussures et les faire réparer.

«Essayer d'améliorer un peu l'expérience du consommateur dans la seconde main, pour moi, c'est vraiment la voie qu'il va falloir suivre pour venir toucher un plus grand public et en faire une habitude de consommation durable», estime celui qui est aussi cordonnier.

Selon M. Durif, le marché de l'occasion est devenu une façon de ramener les consommateurs sur des lieux physiques. L'arrivée d'entrepreneurs dans ce secteur permet également de toucher une autre clientèle.

«Le marché de seconde main, ça a souvent été un marché de consommateur à consommateur, via certains intermédiaires, comme des plateformes en ligne», souligne-t-il.

Avoir des boutiques spécialisées, «cela permet de rassurer des clientèles qui vont un peu moins vers l'achat de seconde main, donc des clientèles un peu plus âgées, qui sont un peu plus en difficulté dans les échanges», précise l'expert.

Des prix compétitifs

Au Québec, une personne sur dix achète au moins une fois par semaine des produits de seconde main, d'après le Baromètre de la consommation responsable publié en mai dernier.

Près de 81 % des répondants du Baromètre ont indiqué qu'ils se tournaient vers la seconde main pour faire des économies, ce que les deux entrepreneurs ont bien compris.

Dans la boutique de Léa Laîné, il est ainsi possible de trouver des montures allant de 20 $ à 100 $, et parfois 300 $ pour des modèles plus rares. Pour fixer ses prix, elle compare ceux affichés sur internet pour une même monture et les propose à près de 60 % de rabais.

Toute personne qui lui amène des lunettes peut aussi bénéficier d'un bon de réduction allant de 10 $ à 50 $, sur le modèle d'un programme de rachat comme il existe pour les téléphones, par exemple.

Chez Trolet, les chaussures sont proposées à un prix plus cher qu'en friperie en raison du travail réalisé dessus, mais sont offertes à des prix allant de 20 à 80 % du prix neuf.

Pour les deux entrepreneurs, il est primordial que ce marché se développe afin d'offrir du renouveau.

«Si on veut vraiment avoir un impact et transformer ce mode de consommation pour beaucoup, il faut vraiment que ce soit un mélange entre associatif et des entreprises qui vont investir pour offrir une expérience comme neuf», avance Jules Trolet.

Audrey Sanikopoulos, La Presse Canadienne