Des solutions aux changements climatiques pourraient reposer sur les fonds marins


Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
MONTREAL — Il n'y a pas que les phoques et les bélugas qui nagent majestueusement dans le fjord du Saguenay. Il y a aussi de petites créatures enfouies dans les fonds marins qui, selon des chercheurs, pourraient jouer un rôle essentiel pour limiter les effets des changements climatiques.
Des scientifiques britanniques et de l'Université Laval ont passé plusieurs jours dans les eaux tumultueuses du fjord, collectant des échantillons à 200 mètres de profondeur dans l'espoir de trouver des traces de vie dans les sédiments.
Le Pr Adam Porter, chercheur postdoctoral à l'Université d'Exeter, dit que la mer peut sembler impénétrable pour ceux qui préfèrent demeurer à la surface de l'eau.
«Les sédiments sont encore plus impénétrables quand on descend au fond. Quand on observe les fonds marins, il peut sembler ne pas s'y passer grand-chose, raconte-t-il. Mais il existe tout un monde dans les sédiments. Ces créatures jouent un rôle vraiment important pour maintenir la planète en bonne santé.»
Cette expédition fait partie d’un vaste projet, le Convex Seascape Survey, un partenariat visant à explorer comment les fonds marins contrôlent les climats en captant le carbone. Ces chercheurs étudient aussi le rôle joué par de petites créatures dans ce processus.
Les membres du projet rigolent entre eux en l'appelant «il faut rendre les sédiments sexys».
Rebbeca Howman, une candidate au doctorat à l'Université Laval, dit que la collecte d'environ 60 échantillons était compliquée à cause des marées, des vagues et des courants dans le fjord du Saguenay.
«Il faut littéralement arracher une parcelle des fonds marins. Si on considère que la profondeur du fjord atteint 200 mètres, c'est tout une tâche», mentionne-t-elle. Les scientifiques, installés dans un bateau, utilisaient ce qu'elle a décrit comme «une grosse pince» pour récolter les échantillons qui étaient ensuite transférés dans des aquariums.
«L'eau est très brouillée, très boueuse. C'était un beau défi et c'était assez amusant», lance Mme Howman.
Les échantillons étaient étudiés dans des aquariums installés dans un laboratoire de Saguenay. Le Pr Porter explique que les chercheurs plaçaient du sable fluorescent au-dessus des sédiments afin de dépister des mouvements. Certaines des créatures qui y vivent sont trop petites pour être vues à l'oeil nu.
Les fonds marins du fjord accueillent une grande biodiversité. «Il y a des vers marins, des orphiures, des bivalves — une classe de mollusques d'eau. «C'est intéressant, parce qu'en regardant les sédiments, on peut penser qu'il ne s'y passe pas grand-chose», dit Mme Howman.
La doctorante a comparé ces créatures «à de petits jardiniers océaniques» qui gardent les fonds marins en bon état et qui soutiennent ultimement tout l'écosystème marin. «La façon avec laquelle elles déplacent les sédiments modifie la totalité de la structure de l'écosystème, fait-elle valoir. Elles soutiennent l'écosystème en modifiant le flot nutritif. Elles donnent de l'oxygène au sédiment.»
Ces créatures contribuent à la captation du carbone en mangeant ou en piégeant la matière organique tombant vers les fonds marins. Ce rôle pourrait être crucial pour limiter les effets des changements climatiques, croient les scientifiques.
Le Pr Porter décrit les fonds marins des océans et des mers comme l'un des plus grands entrepôts de carbone de la planète. Ils en refermeraient plus que les forêts tropicales.
Il craint que les fontes du pergélisol, le dragage ou l'exploitation minière perturbent les fonds marins. «Cela pourrait potentiellement libérer du carbone et annuler tous nos efforts de réduction des émissions de carbones sur la terre ferme», déplore le chercheur.
Il espère que le Convex Seascape Survey, un projet de cinq ans se déroulant dans plusieurs pays, permettra aux chercheurs d'identifier des fonds marins particulièrement importants dans le captage du carbone. Cela pourrait ainsi convaincre les autorités de mieux les protéger.
Près de 200 pays, dont le Canada, se sont engagés à protéger 30 % des terres et des océans de la planète d'ici 2030. Cela inclut les fonds marins, mentionne le Pr Porter.
Morgan Lowrie, La Presse Canadienne