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Des professionnels admettent manquer de connaissance pour soigner les personnes trans

durée 07h00
17 mai 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Des professionnels de la santé ne savent souvent pas où diriger les personnes trans désirant des soins d'affirmation de genre et ils manquent d'aisance ou de connaissance pour leur santé globale, admettent-ils dans le cadre d'une récente étude. Cela a pour effet que ces patients passent d'un médecin à l'autre «comme une patate chaude». 

Au Québec, en 2021, 16 225 personnes s’identifiaient comme personne trans ou non binaire, soit 0,23 % de la population. 

Cette communauté marginalisée est sujette à vivre de la discrimination dans son parcours de soins. Sara Tremblay, qui a mené l'étude, propose de meilleures formations pour les professionnels, mais aussi d'éduquer les personnes trans sur leurs droits.   

Dans un courriel transmis à La Presse Canadienne, le Collège des médecins du Québec (CMQ) a fait savoir qu'il lancera à l’automne «une formation de base en sécurisation culturelle des soins de santé qui a été élaborée en collaboration avec un groupe consultatif dont les membres sont issus de communautés discriminées et marginalisées dans les soins de santé». 

Le contenu de la formation abordera des enjeux de soins de santé rencontrés par des personnes marginalisées au Québec, dont les Autochtones et «les personnes dont les identités et cultures sont discriminées et marginalisées dans notre société et nos structures de soins».  

Le CMQ indique que la formation d’une durée de 12 heures vise à apporter des changements positifs pour les soins de santé de ces personnes. Il précise par ailleurs qu'il existe déjà un certain contenu dans les programmes de formation pour sensibiliser les étudiants en médecine sur la diversité de tout type. 

Mme Tremblay est travailleuse sociale auprès de Divergenres, un organisme communautaire par et pour les personnes trans binaires et non binaires, qui dessert le territoire de la Capitale-Nationale. Elle est ravie de la future formation du CMQ. «Le Collège des médecins, honnêtement, ils ont été très ouverts à développer des solutions et à travailler là-dessus. C’est vraiment un allié de ce point de vue», dit-elle.

Référencement inadéquat

D'emblée, Mme Tremblay mentionne que ses résultats ne sont pas représentatifs en raison de la taille de son échantillon, mais qu'ils offrent une fenêtre sur les obstacles dans les soins de santé généraux que peuvent vivre les personnes trans. 

Son étude a été réalisée à travers des groupes de discussion qui comptaient 24 participants issus de la diversité de genre. Dans un deuxième temps, 45 professionnels de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale ont participé à un sondage. 

Seulement 22 % des professionnels sondés se disent très à l’aise de prodiguer des soins aux personnes trans. Les 78 % restants se situent entre «un peu à l’aise» et «pas du tout à l’aise». 

«Ce qui veut dire que 8 fois sur 10, si c’est représentatif, lorsqu’une personne trans entre dans un bureau avec un professionnel de la santé ou des services sociaux, la personne n’est pas très à l’aise», résume Mme Tremblay lors d'une présentation de son étude dans le cadre d'un colloque du congrès de l'Acfas. 

Près du quart des professionnels ont dit avoir référé ou redirigé une personne trans par manque d’aisance ou de connaissance. Les résultats de l'étude montrent qu'autant du côté du personnel que des personnes trans, il y a un consensus comme quoi le référencement est inadéquat. 

Dans les groupes de discussion, une personne trans a témoigné qu'ils se font «passer comme une patate chaude» par les professionnels.  

Mme Tremblay souligne que tous les médecins ne sont pas experts en santé trans, mais ils ont tous la possibilité de bien accompagner et de bien faire le référencement d'une personne trans.

On observe également que les patients issus de la diversité de genre doivent souvent éduquer les professionnels de la santé sur leur réalité.

«Beaucoup de temps de leur rendez-vous est passé à faire de l’éducation ou pour rassurer le professionnel qu'il peut prodiguer le soin», a déclaré Mme Tremblay. 

La chercheuse est convaincue que ces réalités sont vécues dans les autres régions du Québec. «Je travaille avec la clientèle trans en général et quand les gens arrivent d’une autre région ce n’est pas très différent», dit-elle. L’enjeu souvent est que les personnes trans ne se font pas référer et c'est sur leurs épaules que repose la tâche de trouver le bon professionnel qui voudra les prendre en charge. 

Discrimination dans les soins

Une personne dans l'un des groupes de discussion a témoigné être allée à l’urgence pour traiter une plaie postopératoire et le personnel lui aurait dit qu’ils ne pouvaient pas la traiter, «que c’était trop compliqué».

Ce refus est proscrit par le code déontologique des médecins qui stipule qu'ils ne peuvent refuser d'examiner ou de traiter un patient pour des raisons «de race, de couleur, de sexe, de grossesse, d'état civil, d'âge, de religion, d'origine ethnique ou nationale, de condition sociale, d'orientation sexuelle, de mœurs, de convictions politiques ou de langue». 

Une autre personne du groupe se serait fait questionner sur ses parties génitales par les membres du personnel soignant alors qu'elle visitait les urgences pour un os cassé. 

Si une personne croit qu’un médecin n’a pas respecté ses obligations déontologiques, elle peut en informer le Collège des médecins en déposant une demande d’enquête. 

Mais selon Mme Tremblay, les personnes trans ne portent pas beaucoup plainte notamment parce qu'elles craignent de subir de nouveau de la discrimination dans le processus de plainte, par exemple, en se faisant mégenrer. 

«Les personnes ont un peu l’impression que c’est une fatalité de vivre de la discrimination puisqu’elles sont une personne trans. Elles ne connaissent pas autant leur droit qu’on aimerait, a indiqué Mme Tremblay. On veut vraiment travailler cette compréhension des droits, mais ça passe des deux bords. On essaie de travailler avec les professionnels pour éliminer les biais, mais on travaille aussi avec la population pour les sensibiliser.»

Le CMQ a affirmé qu'au cours des deux dernières années, il a rappelé aux médecins que «toutes les personnes qui les consultent sont en droit de recevoir des soins inclusifs de qualité et d’être traitées de manière équitable, dans le respect de leur unicité». 

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne