Des producteurs de viande inquiets de la loi sur les échanges interprovinciaux


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le Conseil des viandes du Canada prévient que la loi du gouvernement libéral visant à faciliter la circulation des biens et des services au pays pourrait nuire aux exportations de viande rouge.
Lauren Martin — directrice principale des affaires publiques du Conseil qui représente les acteurs de l'industrie agréés par le gouvernement fédéral — a noté que le projet de loi pourrait amener le gouvernement fédéral à reconnaître les règles provinciales d'inspection des installations de transformation de la viande au même niveau que les normes fédérales.
«Le libellé actuel du projet de loi considère toutes les normes provinciales comme équivalentes aux normes fédérales afin d'éliminer les obstacles au commerce interprovincial, a-t-elle indiqué. Le fait que le projet de loi C-5 considère le système d'inspection provincial comme équivalent au système d'inspection fédéral est un signal d'alarme important pour nous, car ils ne sont pas équivalents.»
Les règles de transformation de la viande varient d'un endroit à l'autre du pays et seules les installations agréées par le gouvernement fédéral peuvent préparer des produits pour le commerce interprovincial et international.
Mme Martin a expliqué que la grande majorité des produits de viande au Canada sont transformés en suivant les règles d'inspection fédérale, contre environ 5 % pour les directives provinciales.
Bien que de nombreuses règles soient extrêmement techniques, une différence majeure entre les réglementations fédérales et provinciales est la présence constante d'inspecteurs fédéraux dans les établissements agréés par le gouvernement fédéral.
Le Conseil prévient que toute suggestion d'affaiblissement des normes de salubrité alimentaire pourrait être perçue avec inquiétude par les partenaires commerciaux du Canada, et que l'industrie canadienne de la viande rouge est fortement dépendante des exportations.
«Cela pourrait compromettre nos relations commerciales internationales», a-t-elle prévenu.
Un exposé de position produit par le Conseil suggère que les audits effectués par des partenaires commerciaux étrangers «ne seraient pas compatibles avec le niveau de contrôle de la salubrité alimentaire dans les usines provinciales». Il indique que cela pourrait «mettre en péril notre accès aux marchés internationaux, y compris celui des États-Unis».
Le Canada est un exportateur net de bœuf et de porc. Il exporte plus de la moitié de son bœuf et jusqu'à 70 % de son porc, a déclaré Mme Martin.
L'inquiétude de l'industrie face à ce projet de loi survient alors que le Canada est confronté à la fois à une guerre commerciale avec les États-Unis et aux droits de douane de 25 % imposés par la Chine sur le porc, en représailles aux droits de douane de 100 % imposés par le Canada sur les véhicules électriques chinois l'année dernière.
«Nous sommes confrontés à des frictions commerciales, des problèmes commerciaux et des barrières commerciales avec deux de nos principaux clients mondiaux. C'est une période très difficile pour l'industrie de la viande rouge», a souligné Mme Martin.
Autres effets de la loi
Les groupes de santé préviennent également que la législation pourrait entraîner des conséquences imprévues, les règles provinciales remplaçant les règles fédérales pour des produits comme l'amiante et le tabac.
Mais le cabinet de la ministre du Commerce intérieur, Chrystia Freeland, a déclaré que le gouvernement fédéral n'avait pas l'intention de renoncer à une réglementation si cela devait entraîner de graves préoccupations en matière de santé et de sécurité.
«Le libre-échange au Canada repose sur la confiance mutuelle des Canadiens. Si un steak est propre à la consommation à Calgary, nous pouvons être certains que le même steak le serait également à Saskatoon, a soutenu la porte-parole Laura Scaffidi. Lorsqu'il est jugé qu'il existe de graves préoccupations en matière de santé et de sécurité pour les Canadiens, le gouvernement du Canada peut maintenir la réglementation fédérale en vigueur.»
Comme la législation fournit un cadre général pour réduire les formalités administratives, ces détails devront être réglés lorsque les fonctionnaires rédigeront le règlement d'application de la nouvelle loi, un processus qui donnera également lieu à des consultations.
Franco Naccarato, directeur général de Meat & Poultry Ontario, milite depuis des décennies pour l'abolition des règles interprovinciales dans l'agriculture canadienne. Il a déclaré voir dans la nouvelle loi des possibilités d'offrir aux consommateurs un accès accru à de la viande canadienne.
«Il devrait y avoir une norme exigeant que les usines provinciales démontrent qu'elles atteignent les mêmes résultats que les usines fédérales, et si elles y parviennent (…) alors elles devraient pouvoir commercer entre les provinces, a-t-il proposé. D'autres administrations ont des systèmes à deux vitesses et les gèrent plutôt bien. Il n'y a aucune raison que nous ne puissions pas faire de même au Canada.»
Al Mussell, chercheur principal à l'Institut canadien des politiques agroalimentaires, a rédigé un article sur le sujet. Il a déclaré qu'un commerce interprovincial plus large de la viande pourrait être encadré par des normes pour les points de contrôle critiques de la santé et de la sécurité dans les installations.
Il a ajouté que certains partenaires commerciaux internationaux du Canada ont également délégué certaines de leurs règles agricoles à des ordres de gouvernement inférieurs. Il a toutefois averti qu'Ottawa devrait faire preuve de prudence avant d'ajuster ces règles.
«Ce genre de situation se produit ailleurs, mais, comme nous avons un fort intérêt à exporter, nous devons veiller à ce que les autres pays n'aient pas l'impression que les provinces bénéficient d'un traitement différent», a-t-il déclaré.
La Chambre des communes a adopté le projet de loi, présenté il y a quelques semaines seulement, et le Sénat a jusqu'à vendredi pour procéder à un vote final sur la législation.
Kyle Duggan, La Presse Canadienne