Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Des groupes s'inquiètent du sort des lois sur les médias numériques

durée 11h08
22 août 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Des groupes du secteur culturel et de la radiodiffusion demandent au gouvernement libéral de redonner son appui à la Loi sur la diffusion continue en ligne et la Loi sur les nouvelles en ligne, car le cabinet du premier ministre refuse de préciser si ces pièces législatives font partie des négociations commerciales avec les États-Unis.

«Nous sommes conscients que les États-Unis exercent des pressions sur le (gouvernement fédéral). Le secteur culturel est sans aucun doute en état d'alerte», a signalé Marie-Julie Desrochers, directrice générale de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles.

Kevin Desjardins, président de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, qui a appuyé les deux projets de loi, a souligné que son groupe était préoccupé par ces menaces.

Tant Mme Desrochers que M. Desjardins espèrent que le gouvernement gardera les projets de loi en vigueur, tandis que les libéraux restent muets sur leurs intentions, ce qui marque un tournant par rapport à l'attitude du gouvernement Trudeau à leur égard.

La semaine dernière, le département d'État américain a critiqué la Loi sur les nouvelles en ligne du Canada dans un rapport sur les droits de la personne critiquant la liberté de la presse au Canada, une semaine après qu'un groupe de républicains américains eut exhorté l'administration Trump à inciter le Canada à abroger la Loi sur la diffusion continue en ligne.

Lors d'une conférence de presse distincte le 5 août, le premier ministre Mark Carney a indiqué, en réponse à une question, qu'il pourrait être disposé à abroger la Loi sur les nouvelles en ligne. Le cabinet du premier ministre a refusé de dire si M. Carney envisageait d'éliminer l'un ou l'autre des projets de loi, ou si ces projets de loi étaient pris en considération dans les négociations commerciales en cours avec les États-Unis.

La mise en œuvre «en cours»

Un porte-parole du cabinet du ministre de l'Identité canadienne et de la Culture a déclaré à La Presse Canadienne début août que «la mise en œuvre de la Loi sur les nouvelles en ligne est toujours en cours».

Les projets de loi ont été mis en œuvre pour obliger les grandes entreprises technologiques et de diffusion en continu à contribuer financièrement au contenu et aux nouvelles du Canada.

En vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui oblige Meta et Google à rémunérer les éditeurs de presse pour l'utilisation de leur contenu, les médias reçoivent désormais des paiements provenant d'un fonds Google de 100 millions $.

L'organisme fédéral de réglementation de la radiodiffusion organise une série d'audiences pour mettre en œuvre la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui a mis à jour les lois sur la radiodiffusion afin de s'appliquer aux plateformes en ligne comme Netflix.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a ordonné aux grands diffuseurs étrangers de verser 5 % de leurs revenus annuels canadiens à des fonds consacrés à la production de contenu canadien, notamment aux nouvelles télévisées locales. Cependant, certains diffuseurs contestent cette ordonnance devant la Cour fédérale, qui a suspendu les paiements, estimés à au moins 1,25 million $ par année par entreprise.

La culture «doit rester intouchable»

Le premier ministre Carney a déjà rejeté un projet de loi qui aurait obligé de nombreuses grandes entreprises technologiques américaines à payer une taxe sur les services numériques, après que le président américain Donald Trump eut annoncé l'arrêt des négociations commerciales avec le Canada en évoquant cette taxe.

Mme Desrochers a déclaré dans un courriel que son groupe était optimiste à l'idée que M. Carney protège la Loi sur la diffusion en continu en ligne. En juillet, la coalition a envoyé au premier ministre Carney une lettre, signée par des dizaines de groupes du secteur artistique et culturel, affirmant que la culture canadienne «doit rester intouchable dans les négociations en cours».

M. Desjardins a déclaré, à propos de ses échanges avec le gouvernement: «Il a maintenu son soutien indéfectible, notamment aux mesures visant à soutenir les salles de presse canadiennes, et nous continuons de l’encourager à maintenir la fermeté sur ces mesures.»

Mais M. Desjardins a servi un avertissement: «Si le gouvernement canadien cédait sur ce point, nous pensons que les fermetures de stations et les salles de presse en seraient profondément affectées.»

«Rester forts en tant que pays»

Le silence du gouvernement Carney contraste fortement avec la façon dont le gouvernement de Justin Trudeau a abordé les deux projets de loi, les défendant tous deux avec véhémence face aux critiques. Dans le gouvernement Trudeau, les libéraux avaient présenté ces projets de loi comme un moyen de défendre les secteurs canadiens de la culture et de l’information dans un environnement dominé par les géants étrangers du web.

Lors de son mandat de ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault a présenté la première version de la Loi sur la diffusion continue en ligne et l’a maintenue malgré la controverse quant à son impact sur le contenu généré par les utilisateurs.

M. Guilbeault occupe désormais le même poste, mais avec le titre de ministre de l'Identité canadienne et de la Culture. Il ne s'est pas prononcé sur les deux projets de loi et, bien que son cabinet ait exprimé son soutien au secteur culturel dans un communiqué, il n'a fait aucune promesse précise concernant la législation.

«Face aux droits de douane américains potentiels, il est plus important que jamais de rester forts en tant que pays et de célébrer ce qui nous rend uniques. D'un océan à l'autre, nos cinéastes, artistes, musiciens, écrivains et créateurs produisent des œuvres de calibre mondial qui reflètent l'essence même de notre nation», a déclaré le cabinet de M. Guilbeault dans un communiqué.

«Aujourd'hui plus que jamais, nous devons maintenir notre engagement à soutenir nos créateurs et à promouvoir le contenu canadien.»

M. Desjardins a déclaré que le contexte politique entre le Canada et les États-Unis a considérablement changé.

«Je respecte le fait que le gouvernement se trouve dans une situation très difficile, a-t-il reconnu. Cela dit, nous pensons qu'il est important qu'ils défendent les salles de presse et les créateurs canadiens et qu'ils appuient les mesures de soutien qu'ils mettent en place, qui visent simplement à assurer l'équité au sein du système de radiodiffusion.»

Reynolds Mastin, président-directeur général de l'Association canadienne des producteurs médiatiques, a également appelé le gouvernement à rester ferme dans un communiqué envoyé par courriel.

«Toute attaque contre cette loi venant du sud de la frontière ne devrait que renforcer la détermination de ce gouvernement et de tous les Canadiens à défendre la souveraineté culturelle du Canada», a-t-il affirmé.

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne