Des groupes multiplient les appels à l'abrogation du projet de loi sur la frontière


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Plus de 300 organisations de la société civile demandent au gouvernement libéral de retirer son nouveau projet de loi sur la frontière, affirmant que celui-ci menace les libertés ainsi que les droits des réfugiés et des migrants, en plus de la vie privée de tous les Canadiens.
Des représentants de quatre grandes coalitions ont tenu une conférence de presse mercredi pour intensifier la pression sur Ottawa afin qu'il abandonne le projet de loi C-2, aussi connu sous le nom de Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière.
«Nous sommes unis dans notre opposition à cette loi radicale et dangereuse, a indiqué Karen Cocq, porte-parole du Migrant Rights Network. Le projet de loi C-2 n'est pas un projet de loi sur la frontière. Il s'agit d'un accaparement de pouvoir et d'une atteinte aux droits fondamentaux de la personne et aux libertés civiles.»
Le projet de loi, déposé ce mois-ci, donnerait aux autorités de nouveaux pouvoirs pour fouiller le courrier, simplifier l'accès de la police aux renseignements personnels et faciliter la suspension ou l'annulation des demandes d'immigration.
Ottawa affirme que ce projet de loi vise à assurer la sécurité à la frontière, à lutter contre le crime organisé transnational, à endiguer la circulation du fentanyl mortel et à lutter contre le blanchiment d'argent.
Le leader du gouvernement à la Chambre, Steve MacKinnon, a déclaré mercredi aux journalistes que le projet de loi «sera soumis à l'examen parlementaire et examiné avec attention». «Nous attendons ce débat avec impatience», a-t-il ajouté.
Ce projet de loi fait suite aux pressions constantes de l'administration du président américain Donald Trump, qui a invoqué ses inquiétudes concernant le flux de migrants irréguliers et de fentanyl vers le sud lors de l'imposition de droits de douane sur les produits canadiens.
Les mesures proposées dans le projet de loi ont reçu l'appui des chefs de police canadiens, du responsable national de la lutte contre le fentanyl et des défenseurs de la protection de l'enfance.
Les groupes qui réclament le retrait du projet de loi avancent qu'il permettrait à la police et au Service canadien du renseignement de sécurité d'exiger de savoir si une personne possède un compte en ligne auprès d'une organisation ou d'un service au Canada.
Ils préviennent également que le projet de loi permettrait aux autorités, munies d'un mandat, d'exiger la production des données en ligne, des courriels non chiffrés et de l'historique de navigation d'une personne auprès d'une entreprise, sur la seule base d'un «soupçon raisonnable» et non de la norme actuelle de la croyance raisonnable.
«Le projet de loi C-2 constitue une attaque multidimensionnelle contre les droits et libertés fondamentaux auxquels les Canadiens sont profondément attachés», a soutenu Tim McSorley, coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles.
Une influence sur les demandes d'immigration
Le projet de loi renforcerait la capacité du gouvernement d'annuler, de suspendre ou de cesser d'accepter de nouvelles demandes d'immigration, et autoriserait les fonctionnaires du ministère de l'Immigration à communiquer des renseignements sur les clients, tels que leur identité, leur statut et leurs documents d'immigration, à leurs partenaires provinciaux et territoriaux dans le cadre d'ententes.
La loi empêcherait également une personne résidant au Canada depuis plus d'un an de demander le statut de réfugié par le biais d'une audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, même si son pays d'origine devient dangereux après son arrivée.
De plus, la loi éliminerait une disposition permettant aux personnes traversant la frontière entre les États-Unis et le Canada entre deux points d'entrée officiels de présenter une demande d'audience devant la Commission du statut de réfugié après 14 jours.
Le gouvernement affirme que les dispositions d'inadmissibilité proposées ne constituent pas une interdiction de demander l'asile, mais empêcheront simplement le renvoi de ces demandes à la Commission. Selon Ottawa, cela évitera les goulots d'étranglement et permettra à la Commission de continuer à traiter les nouvelles demandes et l'important inventaire de demandes en attente.
Le gouvernement indique que les personnes touchées par les dispositions d'inadmissibilité peuvent toujours demander un examen des risques avant renvoi afin de s'assurer qu'elles ne soient pas renvoyées dans un pays où elles pourraient être exposées à des dangers. Il précise que le processus tiendra compte de la situation de chaque demandeur et pourrait néanmoins aboutir à l'octroi de l'asile.
Gauri Sreenivasan, codirectrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés, a souligné qu'en détournant les demandes de la Commission vers «l'outil inadéquat de l'examen des risques avant renvoi», le projet de loi ne fera que déplacer l'arriéré des demandes de réfugiés d'un endroit à un autre, en transférant le fardeau à un ministère de l'Immigration et à la Cour fédérale déjà surchargés.
Jim Bronskill, La Presse Canadienne