Après le tabac, la lavande
Par Michel Harnois
Les yeux rieurs, l'allure fière et droit comme un chêne, Rosaire Mondor a exploité une terre à tabac pendant 39 ans à Lanoraie. En 2004, du jour au lendemain, les cigarettiers cessent d'acheter le tabac des producteurs du Québec. Catastrophe pour un grand nombre de ses confrères producteurs, M. Mondor, alors âgé de 58 ans, juge qu'il a bien profité de cette culture payante et qu'il n'est pas question pour lui de se lancer dans l'apprentissage d'une nouvelle culture. C'était sans compter la détermination de sa fille Marie-Ève.
Marie-Ève Mondor avait en tête de produire des huiles essentielles à partir de fleurs des champs. En 2003, elle convainc son père de lui laisser un peu de place sur la terre à tabac pour faire pousser ses premiers plants de lavande. Un an plus tard, les grands acheteurs du tabac décident ne plus acheter une seule livre de tabac au Québec. Plus de 50 agriculteurs de Lanaudière doivent vendre ou liquider leurs équipements et démolir leurs séchoirs à tabac.
Plus encore, s'ils veulent survivre, ils doivent se recycler et trouver d'autres types de culture pour leurs champs sablonneux.
Les tabaculteurs se sont donc lancés dans différentes cultures telles que bleuets et framboises, courges et citrouilles, poireaux, aubergines, pommes de terre, maïs sucré, oignons, carottes et haricots extra longs.
Rosaire Mondor trouvait que ces cultures était trop compétitives pour investir dans de nouveaux équipements et trouvait ardu de recommencer l'exploitation d'une nouvelle agriculture. «Avec le tabac à cigarettes, on était assurés de vendre notre récolte dès le début du printemps, pour prendre sa place dans la culture des légumes, il fallait qu'il y en ait un autre qui arrête ou diminue sa production», dit-il.
La lavande à la rescousse
La terre devenue disponible, Rosaire Mondor décide d'aider sa fille dans son projet de culture de lavande. «J'espérais que la lavande n'ait pas mauvaise presse comme le tabac», ajoute-t-il avec humour. Marie-Ève plante ses premiers semis en 2005 et fonde Arômes et Lavandes. Après deux ans, afin de permettre aux semences d'arriver à maturité, elle distille la lavande à l'aide d'un alambic pour produire une dizaine de produits différents. Savons en pain, savons à main, sels de bains, huiles essentielles, brumes d'ambiance, extraits naturels, etc. «Après la culture du tabac, on avait rien à perdre. On avait la terre qu'on louait pour des cultures qui marchaient plus ou moins bien», précise la jeune femme de 36 ans.
Après quatre ans, la production en est à ses débuts. «On veut apprendre à marcher avant de courir», dit Marie-Ève Mondor avec sagesse. Actuellement, l'entreprise ne fait pas ses frais et Mme Mondor, aidée de son conjoint et de sa famille, fait tout elle-même : labour, plantation, cueillette, distillation, production des produits, emballage et mise en marché.
Elle court les expositions agricoles, les petites boutiques de la région et organise même des visites de sa ferme. Rosaire Mondor, lui, après 12 tentatives, a finalement cessé de fumer. Sa dépendance au tabac est enfin terminée.
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